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SAGESSE LIVRES DE

Sagesse contestataire et sagesse mystique

Le plus célèbre des Livres de sagesse est celui de Job. Il est d'ailleurs unique dans la Bible par sa forme littéraire. C'est un drame constitué par plusieurs dialogues en vers, dont le prologue et l'épilogue sont en prose. Il met en scène les souffrances d'un homme juste que Satan éprouve avec la permission de Dieu. On s'accorde à penser qu'il a été rédigé entre le ve et le iiie siècle avant J.-C., mais bien des indices obligent à le placer vers la fin de cette période. Si l'auteur est pénétré des images et des idées de l'Orient sémitique, au point que son œuvre est souvent proche du « Job babylonien », il est néanmoins d'une époque récente, car il connaît les grands textes bibliques de Jérémie, du Second Isaïe et même du Premier Zacharie, et, d'autre part, il est très sensible aux influences grecques, tant littéraires que doctrinales. On a dit que c'était un « Eschyle hébreu ». On peut d'ailleurs penser qu'il a réalisé son œuvre en brodant sur le thème proposé par le récit en prose qui nous est conservé dans le prologue et l'épilogue.

L'ouvrage proprement dit, constitué par trois cycles de dialogues poétiques entre Job et ses trois amis Eliphaz, Bildad et Sophar, est une mise en question de la doctrine traditionnelle sur la rétribution immédiate. L'auteur refuse d'admettre que les bons sont toujours récompensés et les méchants toujours punis, bien que ce refus soit blasphématoire contre Dieu. Les amis de Job soutiennent la vieille thèse avec des fortunes diverses. Job soutient qu'il est innocent. Il en appelle à Dieu et à sa justice. Parfois désespéré jusqu'à maudire le jour de sa naissance, il reste convaincu que Dieu le sauvera finalement sans qu'il puisse dire comment. La conclusion est donnée par les discours de Dieu (xxxviii-xli), qui finalement donne tort à tout le monde, à Job qui demande des comptes, à ses amis qui s'imaginent capables de justifier Dieu. Plus tard, un éditeur du livre ajoutera les discours d'Elihou (xxxii-xxxvii), qui insistent sur la souveraine indépendance de Dieu et le rôle formateur de la souffrance. Mais l'ouvrage dans sa forme authentique n'apporte aucune solution. Néanmoins, par la présentation dramatique des conséquences de la thèse traditionnelle, il a porté à celle-ci un coup terrible. Et cette contestation ne vise pas seulement les milieux religieux étrangers à la sagesse, elle s'adresse aussi et peut-être surtout aux sages. C'est une contestation intérieure aux milieux de sagesse. Elle manifeste que les sages, dans la mesure où ils apparaissent comme un groupe homogène, sont en train de se dissocier en deux tendances, qui iront en s'opposant de plus en plus.

Le courant contestataire s'exprime encore dans le livre de l'Ecclésiaste. Ce mot est la traduction du grec ecclesiastès, qui rend le mot hébreu qohèlet, « celui qui rassemble ». Le titre est : « Paroles de Qohèlet, fils de David, roi dans Jérusalem ». Ce rattachement à Salomon est évidemment une fiction. L'ouvrage doit dater des environs de 200 avant J.-C. Son style est lourd. Sa langue est très contaminée par l'araméen. On dirait presque une langue morte. L'auteur, par contre, a subi manifestement l'influence de la pensée grecque. Sans aller jusqu'à faire de lui un « épicurien hébreu », on constate que son scepticisme et son pessimisme rendent un son parfaitement grec.

Comme le livre de Job, l'Ecclésiaste se demande si la vie vaut la peine d'être vécue. Mais, tandis que Job passe par l'épreuve de la souffrance, Qohèlet est un roi très puissant et parfaitement sage, qui a joui de tous les plaisirs de la vie, les plus élevés comme les plus bas. Sur tous, il a vu s'étendre l'ombre de la mort. Tout est vain. La diversité[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Université libre de Bruxelles

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