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SAGESSE LIVRES DE

La sagesse aux origines du christianisme

Le sort différent réservé par le rabbinisme et par le christianisme aux ouvrages qui expriment le courant de la sagesse mystique est un indice qui ne trompe point. Cela ne signifie pas que, dans une certaine mesure, le rabbinisme n'appartienne lui-même à ce courant, puisqu'il a accepté les Proverbes et Job dans leur édition retouchée. Pourtant, il a rejeté Ben Sira et la Sagesse de Salomon, alors qu'il admettait l'Ecclésiaste parmi les livres sacrés. Cette discrimination montre à l'évidence que, pour les rabbins, la sagesse mystique conduisait directement au christianisme, qui est éminemment une religion de salut par la connaissance. Mais ici deux remarques s'imposent.

Le fait que la sagesse mystique semble étroitement liée à l'hellénisme alexandrin ne doit pas conduire à faire dépendre directement de ce dernier la naissance du christianisme. Outre que celui-ci est apparu sous des formes multiples, il faut surtout souligner la diffusion du judaïsme hellénistique, et donc de la sagesse mystique, à travers tout le monde hellénisé aux alentours de l'ère chrétienne. Les liens entre Alexandrie, Antioche et l'Asie Mineure apparaissent très étroits, en particulier en ce qui concerne les juifs et les chrétiens. C'est plutôt sous l'angle des rapports doctrinaux et littéraires qu'il faut lier les origines chrétiennes à la sagesse mystique, sans minimiser néanmoins l'importance géographique d'Alexandrie et de son milieu juif, si original au triple plan du monachisme, de la pensée et de la puissance politique et sociale.

Une seconde remarque s'impose, à propos des mouvements apocalyptiques et des apocalypses, dont on souligne avec raison, en particulier depuis les travaux de A. Schweitzer, l'importance dans le christianisme primitif. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les apocalypses représentent une forme de littérature de sagesse. Elles en sont l'expression dans le domaine de la révélation des choses inconnues, c'est-à-dire de l'avenir eschatologique et des réalités de l'au-delà. La différence, c'est que les Livres de sagesse restent du domaine exotérique, tandis que les apocalypses deviennent ésotériques, en tant qu'elles sont réservées à une élite. Il est d'ailleurs remarquable que les ouvrages devenus canoniques parmi les chrétiens, sous le nom de Nouveau Testament soient beaucoup plus proches des Livres de sagesse que des apocalypses, tandis que les livres rejetés sous le nom d'apocryphes sont la plupart du temps des apocalypses. Il faut donc en conclure que l'aspect « sapiental » du christianisme n'a fait que s'accentuer au cours des âges. Si, au point de départ, il est difficile de comprendre les Évangiles ou les Épîtres sans faire appel aux Livres de sagesse, et spécialement aux derniers, il faut remarquer que le problème des rapports de la pensée chrétienne avec la sagesse humaine, disons plus clairement avec la philosophie, s'est sans cesse posé au cours de l'histoire en des termes très voisins de ceux qu'on découvre dans les textes bibliques, puisqu'on a toujours balancé entre l'opposition des deux sagesses, divine et humaine, ou leur assimilation, autrement dit entre la position de Tertullien ou de Tatien et celle d'Origène et de Clément. Il faut noter que, pour conclure en des sens opposés, tous puisent néanmoins aux mêmes livres de la sagesse biblique, précisément parce qu'elle est déjà « dialectique ».

— Jean HADOT

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Écrit par

  • : professeur à l'Université libre de Bruxelles

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