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LIVRES EN BOUCHE (exposition)

La Bibliothèque nationale de France a présenté cinq siècles d'art culinaire français dans les salons de la bibliothèque de l'Arsenal du 21 novembre 2001 au 17 février 2002. Lieu prédestiné, puisqu'il y a plus de deux siècles, Antoine-René de Voyer d'Argenson, marquis de Paulmy, alors maître de céans, diplomate et ministre, grand bibliophile du siècle des Lumières, inspira à un ancien jésuite, Le Grand d'Aussy, une Histoire de la vie privée des Français dont seul le premier volume relatif à l'histoire de la nourriture vit le jour. Élaboré à partir des très nombreux ouvrages relatifs à l'art de la table que possédait le marquis, ce volume est aujourd'hui considéré comme l'une des premières études sur le sujet. En outre, un autre personnage, lié à l'histoire du lieu, Georges Vicaire, nommé conservateur surnuméraire à l'Arsenal en 1891, est l'auteur de la première Bibliographie gastronomique, servant encore aujourd'hui de référence à toute recherche en la matière.

Première exposition organisée par la Bibliothèque nationale de France autour de la littérature culinaire du Moyen Âge à la fin de l'Ancien Régime, Livres en bouche nous a fait déguster quelque 200 ouvrages rarement montrés – provenant pour la plupart des fonds de la bibliothèque de l'Arsenal.

Présentée ici dans sa globalité (production, préparation, consommation), l'histoire de l'art culinaire se divise en quatre grandes périodes que les organisateurs de l'exposition ont intitulées : « Le règne de Taillevent » (xive-xve siècle), « L'honnête volupté » (Renaissance), « L'art de bien traiter » (xviie et xviiie siècles), « La cuisine nouvelle » (xviiie siècle). Comme dans le « service à la française », le menu de l'exposition offrait au visiteur une succession de livres groupés en quatre services. Au premier service, on trouvait les traités d'économie rustique et domestique, de diététique et les bonnes adresses dont l'unique exemplaire complet du Gazetin du comestible (1767), pour le choix des aliments ; au deuxième, la quasi-totalité des livres de cuisine pour la façon de les cuisiner, du premier manuscrit connu d'un Viandier en rouleau (première moitié du xive siècle) à La Cuisinière républicaine (1794) ; au troisième, les livres sur l'art de servir à table, avec une partie importante réservée aux manuels de découpe, dont un petit exemplaire unique « fait au profit du voyageur » ; au quatrième quelques « contenances » de table et traités de civilité.

C'est entre 1300 et 1450, si l'on s'appuie sur les écrits qui nous sont parvenus, que semble naître un intérêt sans précédent pour les arts de la table. De cette époque datent les premiers livres de cuisine dont le plus célèbre est le Viandier, que l'on attribue à Taillevent, maître queux des rois Charles V et Charles VI. Généralement brefs, peu ordonnés et peu explicites, ces premiers recueils de recettes n'indiquent ni temps de cuisson ni proportions : rédigés par des cuisiniers prestigieux, ces recueils ne s'adressent pas aux novices mais aux maîtres d'hôtel qui y trouvent de quoi vérifier la consistance, la couleur et le goût des plats. À la fin du xive siècle, ces recueils s'ouvrent à un plus large public comme le Mesnagier de Paris, écrit par un bourgeois parisien pour sa jeune épouse. Avec le développement de l'imprimerie, la diffusion s'élargira encore davantage : le Viandier, seul manuel de cuisine français imprimé avant 1500 connaîtra ainsi de multiples éditions (vingt-cinq entre 1486 et 1615) ; celui-ci se distingue du Viandier manuscrit par un grand nombre de préparations nouvelles qui y ont été ajoutées afin de répondre à l'évolution du goût. À partir des années 1530, paraît une succession[...]

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Écrit par

  • : journaliste, chargé de cours à l'École supérieure Estienne

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