LIVRES EN BRODERIE. RELIURES FRANÇAISES DU MOYEN ÂGE À NOS JOURS (exposition)
L'exposition Livres en broderie (30 novembre 1995-24 mars 1996) et le catalogue qui l'accompagnait furent une révélation pour tous. En effet, aucune étude ni aucune recherche n'avaient jamais auparavant été consacrées aux reliures brodées. Le fait que cette manifestation ait pris place dans le cadre historique de la bibliothèque de l'Arsenal ajouta à la portée de l'événement : cette bibliothèque est en effet vouée à l'amour du livre depuis sa création par le marquis de Paulmy voici plus de deux siècles ; elle est en outre située dans le quartier où se trouvait le couvent de la Visitation Sainte-Marie, rue Saint-Antoine, dont l'ordre était renommé pour ses travaux de broderie.
La présence de pièces déterminantes (en particulier la prestigieuse « chemise » de satin bleu fleurdelisé qui, depuis le xive siècle, accompagne le psautier de Saint Louis) conservées dans les collections de la bibliothèque de l'Arsenal depuis le xviiie siècle fut à l'origine de cette étude sur la reliure brodée et de l'exposition qui s'ensuivit. Ses initiatrices, Sabine Coron et Martine Lefèvre, conservateurs en chef à l'Arsenal, décidèrent dans un premier temps de recenser les reliures brodées à travers les principales collections – publiques et privées – en France et à l'étranger. Une vaste enquête permit de répertorier plus de 180 reliures brodées françaises, parmi lesquelles on distingue, outre les almanachs brodés du xviiie siècle, en grand nombre, et les reliures des xixe et xxe siècles, 79 pièces majeures qui se répartissent comme suit : 5 pour la période médiévale, 20 pour le xvie siècle, 40 pour le xviie siècle, 14 pour la première moitié du xviiie siècle. Ces chiffres traduisent bien la rareté des reliures brodées conservées. Cette rareté s'explique par le faible nombre de ces reliures dès le Moyen Âge, par leur fragilité, mais également du fait de leur remplacement fréquent par des reliures nouvelles. Les broderies retenues correspondent, dans leur ensemble, à la définition classique donnée par Charles-Germain de Saint-Aubin dans « L'Art du brodeur » (Description des arts et métiers, 1770) : « Broder est l'art d'ajouter à la surface d'une étoffe déjà fabriquée et finie (ou autres supports) la représentation de tel objet que l'on désire à plat ou de relief, en or, argent ou nuances. » Tous types de couvrures brodées pouvant revêtir les livres furent pris en considération : ainsi, mis à part les reliures proprement dites, furent sélectionnés une « chemise » de l'époque médiévale, des couvre-livres, des portefeuilles et même une boîte à livres. Furent également retenues les reliures dont la couvrure brodée est un réemploi, quelques reliures de cuir à panneau de broderie incrusté, enfin les reliures « vides », c'est-à-dire dépourvues de leur contenu. L'enquête permit aussi de découvrir un grand nombre de reliures brodées étrangères (en particulier italiennes), jusqu'alors non recensées, dont les plus représentatives furent choisies pour l'exposition à titre de confrontation avec la production française. Enfin, les hasards des recherches révélèrent des ouvrages de broderie qui, sans être des livres, ont un rapport avec ceux-ci, ou plus généralement avec l'écrit : feuillets brodés sur parchemin ou sur soie, voile de lutrin, lettre brodée, partition musicale brodée, etc. ; ceux-ci furent réunis dans la section « Varia » de l'exposition.
La production des reliures brodées est évidemment liée à celle des reliures de tissu. Si ces dernières sont relativement nombreuses au Moyen Âge, les mentions de broderie figurant dans les inventaires des bibliothèques de Charles V et de Charles VI, rédigés entre 1373 et 1424, sont fort rares : celles-ci concernent tout au[...]
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Écrit par
- Pascal FULACHER : journaliste, chargé de cours à l'École supérieure Estienne
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