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LIVRET, musique

Tiré de l'italien libretto (« petit livre »), le mot français livret désigne le texte littéraire décrivant l'action et contenant les dialogues d'une œuvre musicale avec chanteurs, qu'il s'agisse de musique profane (théâtre lyrique) ou de musique religieuse (toutes formes, excepté les formes à texte liturgique fixe : ordinaire de la messe, messe de requiem, psaumes, vêpres, etc., qui utilisent des paroles latines).

Invention italienne, en raison du rôle primordial joué par l'Italie dans la naissance de l'opéra – à la fin du xvie et au début du xviie siècle, avec Monteverdi en particulier – et l'imprimerie musicale – à la fin du xve et au début du xvie siècle, avec Ottaviano Petrucci (1466-1539) –, le mot libretto, francisé en livret, sera dès l'origine lié aux formes musicales d'ordre scénique issues de l'opéra, avec ou sans représentation (chanteurs costumés ou chanteurs statiques sans costumes). C'est seulement en 1724 que le mot libretto apparaît en Italie ; il se répandra ensuite à travers l'Europe par les troupes itinérantes de théâtre italien (tous corps de métiers confondus : musiciens, chanteurs, décorateurs, costumiers, metteurs en scène, chorégraphes) ; introduit en France tel quel en 1823 et tombé en désuétude à partir de 1867, il sera remplacé par le mot moderne et français livret.

Les formes profanes utilisant un livret sont l'opéra et ses dérivés – l'opéra-comique, l'opérette, le drame lyrique, la comédie musicale –, les formes religieuses, l'oratorio (« représentation sacrée » à l'origine) et la cantate, qui participe des deux types de formes (cantate sacrée ou cantate profane).

Au départ, l'utilité d'un livret était double : fournir au compositeur de l'ouvrage le sujet, la trame de l'action et l'essentiel des paroles à mettre en musique (airs, chœurs, ensembles...), et à l'auditeur, lorsqu'il était distribué ou vendu (à la fin du xixe s., notamment), la possibilité de mieux comprendre l'objet de l'action dramatique, mise en scène et en musique, et de suivre les paroles chantées ; celles-ci étaient et restent assez peu compréhensibles, en général, en raison des contraintes de la ligne mélodique et de la technique vocale (la distance séparant la scène de la salle et les acteurs des spectateurs est à prendre en compte également).

Même si certains livrets se sont révélés, à l'usage, assez mal adaptés à la musique, ou plutôt maladroits au regard de l'action (trop lente et statique) et des personnages (mauvais équilibre entre les deux sexes : par exemple, un héros seul au milieu de femmes, comme dans Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas), la plupart, néanmoins, répondent aux qualités requises, l'importance d'un librettiste, dans la composition d'un opéra, étant analogue à celle d'un scénariste-dialoguiste dans la préparation et le tournage d'un film. Ces qualités sont la simplicité de l'action, une bonne définition des caractères, des mots de tous les jours pour traiter les situations, quelles qu'elles soient, quotidiennes ou inattendues, réalistes ou fictives, et le renoncement à des préoccupations d'ordre littéraire ou poétique : versification abusive, images se suffisant à elles-mêmes, abstraction de l'expression, euphonie ou assonances qui entrent en concurrence avec les caractères propres à la musique, sur le plan tant rythmique que mélodique. D'où l'importance d'une collaboration continue et profonde entre librettiste et compositeur pour se comprendre et affiner sans cesse l'œuvre commune, y compris durant la composition.

Les grands librettistes d'opéra furent soit des personnages « uniques » à tous les sens du mot, fournisseurs à l'Europe entière de trames stéréotypées,[...]

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Écrit par

  • : agrégé des lettres, collaborateur de la revue Avant-Scène Opéra
  • : conservateur général à la Bibliothèque nationale de France
  • : compositeur de musique, professeur au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, lauréat de la Fondation de la vocation en 1969, directeur du Conservatoire municipal du XVIIe arrondissement de Paris
  • : maître de conférences à l'université de Paris-IV Sorbonne
  • : professeur émérite à l'université de Paris-III

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    • 34 125 mots
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