DALMAU LLUÍS (env. 1400-1461 env.)

Peintre d’Alphonse V le Magnanime, roi d’Aragon, Lluís Dalmau fut l’un des premiers et des plus importants représentants, dans la péninsule Ibérique, de la peinture septentrionale telle qu’inaugurée par les frères Van Eyck. Il était considéré comme « le meilleur et le plus apte peintre » de son temps selon le Conseil des Cent à Barcelone, en 1443.

Son œuvre témoigne d’une évolution qui le fait passer d’une production picturale idéalisée, marquée par l’élégance des courbes, caractéristique du gothique international, à une peinture plus réaliste où chaque détail est représenté avec minutie. Le retable de La Vierge des Conseillers, conservé auMuseu Nacional d’Art de Catalunya de Barcelone (MNAC), en est un exemple éloquent. Cette œuvre, réalisation la plus ambitieuse de l’artiste, est une référence directe au travail illusionniste des peintres flamands, en particulier celui des frères Jan et Hubert Van Eyck.

Les premières années et la formation de Lluís Dalmau restent inconnues. D’abord indiqué comme « peintre de la ville de Valence » dans les archives, il est mentionné pour la première fois en 1425 lorsqu’il est chargé de la polychromie de six écus ornant une porte du palais royal de cette même ville. C’est alors un peintre à la formation achevée, vraisemblablement en début de carrière, ce qui laisse envisager une naissance vers 1400.

En 1428, envoyé en Castille sur ordre du souverain, il apparaît dans les comptes comme « peintre de la maison royale », position qui lui assure un salaire fixe. Il a probablement rencontré une première fois Jan Van Eyck lors d’une ambassade bourguignonne venue à Valence en 1426 ; durant la décennie suivante, il passe dans son atelier brugeois : en 1431, il reçoit 100 florins pour se rendre en Flandre sur ordre royal. La raison du voyage, non précisée, se devine. Alphonse V, amateur d’art – particulièrement celui qui vient du nord –, envoie son peintre attitré se former à la manière qu’il affectionne tant. Pourtant, à son retour à Valence, vers 1436, et bien qu’il continue à travailler pour le roi, Dalmau ne reçoit aucune commande d’importance – connue à ce jour – où s’affirmerait ce nouveau savoir-faire. Notons qu’une Vierge en buste, conservée à la National Gallery de Londres et mise en parallèle avec la production de Lluís Dalmau, pourrait correspondre à cette période.

Il faut attendre les années 1440 pour que les nouvelles compétences de Dalmau soient mises à profit. En 1443, les Conseillers de Barcelone l’engagent pour réaliser un nouveau retable destiné à la chapelle de la maison de la ville comtale. Il s’agit de LaViergedesConseillers, achevé en 1445. La leçon flamande est ici parfaitement maîtrisée par Lluís Dalmau, tant dans la manière, avec l’utilisation de la peinture à l’huile, que dans les personnages représentés qui sont empruntés au répertoire des frères Van Eyck. En atteste la Vierge à l’Enfant qui fait directement écho à la Vierge au chanoine Van der Paele. De même, les anges musiciens sont une citation directe du retabledeL’Agneau mystique.

Par la suite, les archives font mention de plusieurs commandes de retables, de 1448 jusqu’à son décès en 1460 ou 1461, parmi lesquels celui de Sant Boi (saint Baudile) de Llobregat (1448), un autre dédié à saint Antoine pour la chapelle de l’église Santa Maria del Mar (1449), d’autres pour Molin Rei (1451) et Sant Agustí Veil de Barcelone (1452). Mentionnons également ceux consacrés à saint Elmo, pour la chapelle du couvent de Santa Clara de Barcelone (1454), et à sainte Cécile, à Mataró (1457).

Parmi l’ensemble de cette production, seuls deux panneaux du retable dédié à saint Baudile, conservés au MNAC, montrent un style plus ancré dans la tradition locale, notamment avec l’emploi de fonds dorés.

— Elsa ESPIN