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LOCUTEUR

Dans le schéma de communication, on donne le nom de locuteur à la personne qui parle ; on l'appelle aussi parfois émetteur ou destinateur. Le locuteur s'oppose alors à l'auditeur ou, dans ces autres terminologies, au récepteur ou destinataire. La notion de locuteur a l'avantage de cerner une fonction mobile dans la situation de parole, ce qui a des implications à la fois psycho-linguistiques et sémiotiques. Ainsi, chacun est alternativement locuteur et auditeur, ce qui suppose une attitude différente en face du code, selon que le message est encodé en vue de la production ou décodé en vue de la reconnaissance. Mais c'est aussi en fonction du locuteur que se constitue le réseau complexe des aspects ; on a alors affaire à deux perspectives possibles selon que le procès est contemporain ou non de l'acte de parole, discours ou récit, sans compter les cas où peut se produire une « énonciation seconde », c'est-à-dire le discours rapporté. Le référent advient de l'exclusion des partenaires de la communication, ce que la langue traduit par le recours à la troisième personne. Autre fonction dévolue au locuteur, la quantification des unités qu'il pose dans l'univers du discours. Mais des limitations existent en contrepartie : notamment, le locuteur ne peut s'adresser d'injonction, car le rapport pragmatique du sujet à lui-même n'obéit pas aux mêmes règles que lorsque la communication met en jeu un autre, fût-ce dans l'introspection.

Une autre dissymétrie repose sur l'aperception immédiate de sa propre pensée par le sujet, même si l'on introduit dans le schéma les distorsions de la censure : celles-ci restent alors bien en deçà des difficultés rencontrées à percer la pensée d'autrui, et le cogito cartésien, quelles que soient ses approximations sur le plan de la définition du sujet, demeure néanmoins une expérience strictement personnelle. Il s'ensuit qu'on doit reconnaître le poids non négligeable, sur l'ordre du message, de la recherche de l'effet produit sur le destinataire, qu'on reste au niveau cognitif (véhiculer l'information, convaincre) ou qu'on le déborde (susciter l'affect), à supposer du reste que cette dernière distinction dénote autre chose qu'une hypothèse seulement commode pour cerner deux champs en réalité interférents. C'est dans ce type d'interactions qu'il faudrait chercher à établir le statut de l'ambiguïté, de l'ironie et, d'une manière générale, de tous les phénomènes colorant le discours d'un questionnement constant (« quelle image de moi se fait celui à qui je parle ? »), assorti de la question symétrique qui, elle aussi, infléchit la parole (« quelle image de l'autre sous-tend le discours que je lui adresse ? »). On voit clairement, par ces quelques exemples, que la situation énonciative fait appel à bien des procédures de redressement infinitésimal (feed-back ou effet d'écho) que le code, à lui seul, ne saurait prendre en compte ; car, s'il suppose un accord préalable des partenaires du discours, il ne peut décrire l'ajustement de la langue aux conditions pragmatiques dans lesquelles elle se manifeste.

La grammaire transformationnelle donne le nom de locuteur natif (native speaker) à l'informateur en langue maternelle capable de juger de la grammaticalité d'un énoncé projeté par le modèle, et qu'on lui demande d'évaluer afin de tester la valeur de la théorie.

— Robert SCTRICK

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