Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LOGEMENT SOCIAL

Logement social et aménagement urbain

Si les principes régissant la forme de l'habitation restèrent immuables, l'objet de l'action changea au contraire au début du xxe siècle. Dans le projet réformateur, celle-ci s'étend alors du logement au quartier, l'habitat nouveau étant placé dans une ville elle-même rationalisée. L'objectif s'en trouva déplacé : autant que la vie domestique, c'est la vie sociale qu'il s'agissait désormais de réorganiser. Réaliser ce dessein supposait de changer à la fois l'échelle de l'opération et son procédé. Celle-ci s'étendrait de la parcelle à l'îlot ou au lotissement ; le groupe d'habitations serait bâti en bloc, suivant un plan d'aménagement préétabli. La première expérimentation fut rendue possible à Paris par la fondation Rothschild qui réalisa, rue de Prague, un important ensemble d'H.B.M. à la suite du concours architectural qu'elle ouvrit en 1905, un an après sa création. Le groupe résidentiel imaginé par les architectes participant au concours peut être regardé comme exemplaire à plusieurs titres. C'est d'abord un prototype architectural qu'adoptent désormais, délaissant la construction d'immeubles isolés, d'autres fondations privées et, dès leur institution en 1912, les offices publics d'H.B.M., l'Office de Paris en tête. Ce projet démontre ensuite comment peuvent s'accorder dans la transcription architecturale prescriptions hygiénistes et visées de la réforme sociale – ainsi, la réalisation d'un « square à domicile » au cœur de l'îlot devait permettre la ventilation et l'ensoleillement de bâtiments en même temps qu'il était censé être l'un des lieux d'une vie collective régénérée. Il inaugure enfin, en particulier par l'aménagement de la « cour ouverte » au sein de l'îlot, le rôle du logement social comme terrain d'innovation architecturale, d'invention de nouvelles formes urbaines.

Ces nouveaux principes trouvent aussi, au début du xxe siècle, une application en banlieue, dans les projets de cités-jardins inspirés de la garden-city britannique. Proposée en 1898 par Ebenezer Howard comme communauté autosuffisante à l'écart des grandes cités, la garden-city fut réinterprétée en 1905 par l'architecte socialisant Raymond Unwin comme modalité de la réorganisation de l'habitat dans les banlieues. C'est ce modèle revisité que regardèrent en France tant le mouvement socialiste que les réformateurs libéraux. Réunis dans la Section d'hygiène urbaine et rurale du Musée social créée en 1907, ces derniers envisagèrent l'institution de plans d'aménagement et d'extension en suivant l'exemple de la Grande-Bretagne où le Town Planning fut institué en 1909, préparèrent un projet de loi à ce sujet et proposèrent la cité-jardin dans cette perspective. Habitat périphérique dans une ville dont l'expansion devait été contrôlée, la nouvelle cité devait comporter des maisons individuelles avec jardins disposées autour d'un « centre civique » regroupant les éléments matériels de l'organisation de la vie sociale de ses habitants. Cette forme d'habitat était aussi adoptée par le mouvement coopératif socialiste, qui proposait cependant la propriété collective de l'habitation. Opposés à celle-ci, les réformateurs libéraux promurent la loi du 10 avril 1908 qui encouragea la propriété de l'H.B.M. par la création des sociétés de crédit immobilier. Ils proposèrent néanmoins d'encadrer les petits propriétaires par une gestion collective de la cité, allant ainsi dans le sens des premières expériences d'autorégulation des coopératives d'habitation populaires. Mais la cité-jardin était également préconisée pour la[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • LOGEMENT OUVRIER

    • Écrit par
    • 2 439 mots

    L'histoire du logement ouvrier appartient largement au xxe siècle, qui a vu la naissance, l'apogée et la reconversion des cités ou villes ouvrières les plus imposantes. Cette histoire fait aujourd'hui son retour dans l'actualité. Du fait de la perte à peu près complète de sa fonction primitive...

  • AILLAUD ÉMILE (1902-1988)

    • Écrit par
    • 379 mots
    • 1 média

    Hors des écoles, hors des styles, l'architecte français Émile Aillaud a été, au cours des années 1960-1970, l'architecte d'ensembles de logements économiques assez largement démarqués du béton sérieux et orthogonal où la rhétorique fonctionnaliste d'après-guerre voyait l'expression convenue et internationale...

  • AMSTERDAM ÉCOLE D', architecture

    • Écrit par
    • 139 mots

    Dans les années 1905, trois jeunes étudiants en architecture travaillent chez Eduard Cuypers, à Amsterdam. Ce sont Michel De Klerk, JJohan Melchior Van der Mey et Piet Kramer. Ils critiquent Berlage, le plus célèbre praticien de la ville, et lui reprochent une étroite rationalité incapable d'exprimer...

  • ANDRAULT MICHEL (1922-2020) et PARAT PIERRE (1928-2019)

    • Écrit par et
    • 1 092 mots

    En 1957, deux jeunes architectes remportent le concours international de la Basilique de Syracuse avec un projet dont l'audacieuse corolle inversée en voile de béton était présentée comme la métaphore de l'élévation de l'humanité vers Dieu. Diplômés de l'École nationale supérieure des beaux-arts de...

  • ARAVENA ALEJANDRO (1967- )

    • Écrit par
    • 1 002 mots
    • 1 média

    L’architecte chilien Alejandro Aravena a reçu le prix Pritzker le 4 avril 2016, au siège de l’Organisation des Nations unies à New York. Après le Mexicain Luis Barragán (1980) et les Brésiliens Oscar Niemeyer (1988) et Paulo Mendes da Rocha (2006), il est le quatrième Latino-Américain à...

  • Afficher les 33 références