LOGIQUE
Ce n'est qu'à une époque relativement récente qu'on a vraiment commencé à s'intéresser à l'histoire de la logique. Jusqu'au milieu du xixe siècle régnait en effet l'idée que la logique n'avait pas d'histoire, étant, pour l'essentiel, sortie « close et achevée » de l'esprit d' Aristote. Le renouveau de la logique depuis 1850 environ a peu à peu permis de replacer Aristote dans une perspective historique, de comprendre la signification et la portée de la logique stoïcienne, d'apprécier les travaux des scolastiques, de reconnaître en Leibniz un précurseur des conceptions modernes. Si on laisse à part la logique indienne qui s'est développée indépendamment, l'histoire de la logique occidentale nous apparaît aujourd'hui ponctuée par trois grandes époques créatrices, où cette discipline prend chaque fois une forme originale : la logique grecque avec Aristote et les stoïciens, la logique médiévale qui culmine au xive siècle, enfin, depuis le milieu du xixe siècle, la logique symbolique moderne. Entre elles, s'intercalent deux longues périodes de relative stagnation.
L'essor de la logique en Grèce
La logique aristotélicienne
On s'accorde toujours à faire commencer la logique avec celles des œuvres d'Aristote qui seront ultérieurement rassemblées sous le titre commun d'Organon – mot qui marque bien le caractère instrumental et préparatoire à la philosophie qu'Aristote lui reconnaissait. Elle avait été préparée par le développement de la dialectique, qu'Aristote fait remonter à Zénon d'Élée ; mais celle-ci était conçue comme un art plutôt que comme une science, donnant des préceptes pour la pratique de la discussion publique. Aristote la prolonge avec ses Topiques et ses Réfutations des sophismes ; mais c'est seulement avec l'Hermeneia et les Premiers Analytiques qu'il crée la logique. Ce dernier ouvrage apporte en effet deux innovations capitales. La plus remarquée a été l'invention du syllogisme, à laquelle Aristote parvient en découvrant, par une réflexion sur l'insuffisance du procédé platonicien de la division, le rôle du moyen terme. Mais la plus fondamentale, car c'est proprement avec elle que commence la logique en tant que science formelle, est l'introduction des variables, c'est-à-dire la substitution à une proposition concrète telle que « L'homme est mortel », du simple schéma formel de cette proposition, dont le contenu a été évacué : « A est B » ou, comme dit plutôt Aristote, « B appartient à A, est prédiqué de A ». Il n'est d'ailleurs pas certain qu'il ait perçu d'emblée toute la portée du procédé. Au contraire, la syllogistique a été aussitôt célèbre.
Bien qu'Aristote traite les syllogismes comme des inférences, au sens strict, un syllogisme catégorique est une proposition conditionnelle complexe – une implication – de la forme (p∧q) → r. Il se compose de trois propositions (deux prémisses p et q et une conclusion r) et comprend trois termes ; chacune des propositions p, q, r comprend deux termes reliés par l'une des quatre relations syllogistiques, et chaque terme figure dans deux propositions exactement. Dans une forme syllogistique qui est appelée aussi « mode », à la place des termes (des concepts) figurent des lettres (des variables). Les scolastiques formuleront les syllogismes explicitement sous forme de schémas d'inférence « p, q, donc r ». La prémisse appelée majeure relie le moyen terme (symbolisé ci-dessous par B) au majeur (A), qui est le prédicat de la conclusion ; la mineure relie le moyen terme au mineur (C), qui est le sujet de la conclusion ; la conclusion, obtenue par l'intermédiaire du moyen terme, relie le mineur au majeur. Le moyen[...]
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Écrit par
- Robert BLANCHÉ : professeur honoraire à la faculté des lettres et des sciences humaines de Toulouse
- Jan SEBESTIK : docteur ès lettres, chargé de recherche au C.N.R.S.
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