- 1. Raisonnement et prédication
- 2. L'art de la controverse
- 3. La doctrine de l'inférence
- 4. Logique, grammaire et perception
- 5. Le mot et la chose
- 6. Le syllogisme en cinq parties
- 7. Théorie de l'argumentation : essais de formalisation
- 8. Logique et connaissance
- 9. Le problème des universaux
- 10. Bibliographie
LOGIQUE INDIENNE
Logique, grammaire et perception
Il n'en alla pas de même pour les débats autour de questions de logique auxquels se livra l'école des grammairiens fondée vers 400 avant notre ère par la grammaire sanscrite de Pāṇini et parfois traitée exactement comme un système philosophique : la pāṇinīya darśana. Depuis Kātyāyana, dont le livre sur Pāṇini intitulé Vārttika, vers 250 avant J.-C. était le sujet du Mahābhāṣya de Patañjali, les grammairiens ont traité les problèmes de l'inférence dans le contexte des problèmes de la représentation linguistique, et surtout de ceux qui concernent les caractéristiques grammaticales, évidemment. Leur œuvre s'élabora en conjonction étroite avec les idées d'un autre darśana orthodoxe qui se développait graduellement à l'époque, la Mīmāṁsā, qui s'est surtout préoccupé de l' interprétation méticuleuse des préceptes védiques (vidhi). L'analyse sémantique était alors florissante, en même temps que le souci de distinguer soigneusement entre langage-objet et métalangage aboutissait à des règles d'interprétation (paribhāṣā) explicites, d'ordre métalinguistique, qui gouvernaient la composition des mots et des phrases à la fois sous l'angle syntaxique et sémantique. Les innovations techniques prolifèrent. Par exemple, il y a une particule spéciale, « iti », qui ajoutée à la fin d'un passage le transforme en citation. Le traitement syntaxique et sémantique de la négation aboutit à des formulations explicites de la règle de contraposition, et même l'importance que revêt la position relative du signe de la négation par rapport aux opérateurs modaux est clairement vue. Voici un exemple tiré du Mahābhāṣya et qui concerne les mīmāṁsakas : « il est obligatoire de manger exclusivement la chair de cinq animaux à cinq griffes » implique « il est interdit de manger tout autre animal », ce qui revient à Δ ! (E(x) → F(x)) ≺ −| ∇ (E(x) ∧ −| F(x)).
Le Mahābhāṣya développe une comparaison entre l'inférence et la perception en tant qu'outils de connaissance. On s'aperçoit là que, si l' implication est traitée sous le titre de connexion (saṃbhanda), c'est parce que le cadre de référence est sémiotique. En effet, pour qu'une inférence de l'énoncé A à l'énoncé B soit valide, il faut qu'il existe, entre ce que désignent les termes associés A* et B*, une connexion telle que A* soit un signe (liṅga) de B*. Certes plusieurs siècles s'écoulèrent avant que la critique de la logique nyāya par les logiciens bouddhistes n'aboutisse à clarifier le concept d'implication, pour lequel on emploie le terme de « vyāpti » (littéralement : imprégnation) ; mais nous voyons déjà ici les termes « anvaya » et « vyatireka » employés respectivement pour A* ≺ B* et sa contraposition B̄* ≺ Ā* comme on les rencontrera plus tard en logique bouddhiste, mais non pas dans les textes des naiyāyikas.
Ces exemples montrent que les grammairiens divisent les inférences en deux classes : les inférences pratyakṣato dṛṣṭam (vues sous le rapport de la perception) et les inférences sāmānyato dṛṣṭam. On les retrouve évidemment dans la logique bouddhiste sous la forme de deux types d'inférences en modus ponens : l'un fondé sur des implications causales et l'autre sur des implications conceptuelles. Cette division semble aussi avoir guidé l'école sāṁkhya lorsqu'elle en définit deux genres, le viśeṣato dṛṣṭam et le sāmānyato dṛṣṭam. Dharmakīrti, vers 600-660, le grand disciple de Dignāga, utilise les termes de « kāryānumāna » (inférence fondée sur l'effet) et « svābhāvānumāna » (inférence fondée sur l'essence) pour désigner ces deux types. (L'exemple d'une inférence en sāmānyato dṛṣṭam, ainsi que son application à un[...]
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Écrit par
- Kuno LORENZ : docteur en philosophie, professeur de philosophie
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