- 1. Raisonnement et prédication
- 2. L'art de la controverse
- 3. La doctrine de l'inférence
- 4. Logique, grammaire et perception
- 5. Le mot et la chose
- 6. Le syllogisme en cinq parties
- 7. Théorie de l'argumentation : essais de formalisation
- 8. Logique et connaissance
- 9. Le problème des universaux
- 10. Bibliographie
LOGIQUE INDIENNE
Le syllogisme en cinq parties
Mais, dans un cas comme dans l'autre, il est essentiel qu'on puisse par inférence passer de ce qui est perçu à ce qui n'est ou ne peut pas être perçu. Ce passage est assuré par une théorie de l'inférence qui a reçu dans le Nyāya sa forme classique, celle d'un syllogisme en cinq parties (pañcāvayava vākya, littéralement : phrase à cinq parties), qui sert aussi de point de référence aux autres darśana lorsqu'ils pratiquent le raisonnement logique ou l'étudient. À la suite des critiques formulées par les logiciens bouddhistes Dignāga et Dharmakīrti, la forme en cinq parties a vu son application réduite aux cas appelés >inférences faites pour autrui< (parārthānumāna) ; dans le cas des >inférences pour soi-même< (svārthānumāna), seuls les trois premiers ou les trois derniers membres sont nécessaires et, en outre, doivent être traités seulement comme des complexes pensés composés de termes et qui n'ont pas besoin d'être articulés en énoncés comme c'était le cas de la forme en cinq parties. Le paradigme est le suivant :
La montagne est l'objet de connaissance perçue (pakṣa, littéralement « aile » ; à l'origine, lieu où une thèse est avancée au cours d'une controverse ; puis pakṣa et pratipakṣa ont pris le sens de « thèse et antithèse » ; ici il s'agit simplement de l'endroit où se produit l'inférence) ; la fumée est le signe perçu (liṅga) utilisé comme raison (c'est pourquoi le mot est à l'ablatif), et le feu est la conséquence non perçue (sādhya : à l'origine l'ensemble de la proposition à prouver ; s'était employé comme pakṣa à désigner la thèse). Bien entendu, la validité du raisonnement dépend de la relation d' implication qui unit raison et conséquence, relation qui à l'origine n'avait été perçue que sur le mode paradigmatique, à travers exemple et contre-exemple. Après que les œuvres critiques de Dignāga et de Dharmakīrti eurent rendu plus clair le caractère général de l'implication, qui dans l'exemple « partout où [il y a] fumée, là [il y a] du feu » a été traditionnement exprimé, depuis Kumārila le maître de la Mīmāṁsā (environ 620-680), par les mots « vyāpti de la fumée et du feu » (littéralement : la fumée imprégnée par le feu, interpénétration de la fumée et du feu), cette notion de vyāpti (dans les textes jaïnistes, et parfois en d'autres, avinābhāva, concomitance universelle) ne tarda pas à devenir le thème central de la logique indienne. Udayana le maître du Nyāya (environ 975-1050) réalisa la fusion de l'école nyāya, qui en était venue à se préoccuper presque uniquement de logique et d'épistémologie, avec l'école vaiśeṣika qui, de son côté, avait fini par s'attacher surtout à l'ontologie et à la philosophie naturelle ; il fonda ainsi le Navya-Nyāya (Nouveau Nyāya, également appelé « Nyāya-Vaiśeṣika ») et jeta les bases du développement considérable de la théorie de la vyāpti, qui culmina avec la Tattvacintāmaṇi de Gaṅgeśa (vers 1300).
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Écrit par
- Kuno LORENZ : docteur en philosophie, professeur de philosophie
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