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LOGOS

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Dans le grec classique, logos signifie une parole ou la parole, et tout rôle qu'elle assume : profane (proposition, définition, exemple, science, opinion particulière, rumeur publique) ou sacré (réponse d'oracle, révélation d'en haut). Ce terme tient une place si considérable dans la langue philosophique que la multiplicité des significations qu'il recouvre oblige à s'enquérir chaque fois du contexte où on le surprend. Précaution d'autant plus indispensable qu'on est tenté de créditer les époques archaïques de la diversité de sens dont l'a chargé la succession des systèmes.

Chez Héraclite (~ vie-~ ve s.), logos signifie tantôt simple dire, parole sensée du maître (« La Nature, précise C. Ramnoux, parle en œuvrant. L'homme œuvre en parlant »), tantôt mesure selon laquelle le Feu se change en Eau, mais non pas raison gouvernant toutes choses. Ce dernier sens de raison organisatrice ne s'affirme, en effet, qu'avec Platon, où le logos acquiert le caractère d'instance scientifique. La dimension d'entité organisatrice des finalités naturelles vient d'Aristote, chez qui logos signifie aussi notion. Quant à la représentation d'un logos recteur du cosmos et loi de son développement historique, « analogue à celle qui régit l'évolution d'un germe » (J. Moreau) — le logos spermatikos —, c'est du stoïcisme qu'elle procède. Les néo-platoniciens font du logos une hypostase secondaire, intercalée entre l'Intellect et l'Âme du monde, et investie d'une fonction démiurgique, organisatrice de la nature.

À ces emplois philosophiques se mêlent, dès la fin de la période hellénistique, des influences venues des traditions religieuses et des cultes à mystères. La loi astrale est dite logos, ainsi que le souffle créateur du divin Hermès. Selon Philon d'Alexandrie (~ 20-45), le logos combine les notions juives de parole divine (il traduit l'hébreu dāvār), de loi, de sagesse et les concepts helléniques de lieu des idées et des archétypes : c'est une instance intermédiaire entre Dieu et la Création. Chez les chrétiens, notamment à partir de l'Évangile de Jean (i, 1-5), le Logos est Parole de Dieu dès le commencement, deuxième hypostase de la Trinité, intelligence divine organisatrice du monde, incarnée en Jésus, qui la manifeste dans le temps. La carrière de cette notion, surtout sous sa forme latinisée de Verbum, jalonne toute la tradition patristique, la théologie médiévale (en particulier avec la preuve de Dieu dite « psychologique », preuve d'inspiration augustinienne), le courant cartésien (« Je sais que toutes les intelligences n'ont qu'un seul et unique maître, le Verbe divin », Malebranche, Entretiens métaphysiques, VI, 2) et certaines « philosophies chrétiennes » contemporaines (Rosmini, Gratry, Blondel, Laberthonnière).

— Lucien JERPHAGNON

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