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LOI, épistémologie

Le nom français « loi » tire son étymologie du mot latin lex. L'adjectif français « nomologique », qui désigne la propriété d'être une loi, tire son étymologie du mot grec nomos (qui signifie loi). À quel genre d'entité attribue-t-on cette propriété ? De nos jours, le mot « loi » sert à désigner certaines régularités dans les phénomènes naturels et conjointement des obligations morales et juridiques. L'énumération suivante n'offre qu'un échantillon des nombreuses lois formulées depuis la révolution scientifique du xviie siècle : la loi de la chute des corps, la loi du mouvement périodique du pendule, les trois lois de Kepler sur la trajectoire elliptique des planètes, les lois de la réfraction et de la diffraction de la lumière, la loi de Boyle-Mariotte, la loi d'Ohm, les lois newtoniennes du mouvement, la loi de la gravitation universelle. Quoique la formulation de ces lois soit ancienne, ni les Grecs ni les Romains n'auraient pu en mentionner une : le prototype de ce qu'ils nommaient lex ou nomos était ce que nous nommons des préceptes ou des obligations morales et/ou juridiques. Qu'y a-t-il de commun entre les « lois de la nature » et les obligations ou préceptes moraux ou juridiques ?

Les premières sont exprimées au moyen de phrases comme : « À température constante, la pression d'un gaz contenu dans un récipient fermé est inversement proportionnelle au volume du gaz » ou « PV = constante » (loi de Boyle-Mariotte) ou « Le carré de la durée d'une révolution d'une planète autour du Soleil est proportionnel au cube de la distance entre la planète et le Soleil » ou « a3/T2 = constante » (troisième loi de Kepler). Les secondes sont exprimées par des phrases comme : « Tu ne tueras point », « Il est mal de voler » ou « Ne mens pas ». Qu'y a-t-il de commun entre les propositions exprimées par ces deux types de phrases ? Le mot français « loi » n'est-il pas ambigu ?

Pour énoncer la troisième loi de Kepler, on se sert de mots ou de symboles. Cependant, une description définie comme « la troisième loi de Kepler » ne désigne pas plus des mots français, turcs ou tagalogs qu'une loi n'est une phrase ou une suite de symboles. Comme le mot « nomologique » exprime une propriété non des phrases mais des propositions qu'elles expriment, il y a deux conceptions possibles des lois de la nature : une conception épistémique et une conception non épistémique. Selon la première, les lois sont des croyances ou des connaissances solidement justifiées. Selon la seconde, les lois sont les états de choses réguliers ou permanents, les uniformités dans les choses qui sont responsables de la vérité des croyances précédemment mentionnées.

Le concept de probabilité se prête au même contraste : une probabilité peut être tenue pour la mesure du degré de croyance rationnelle dans la vérité d'une proposition ; le même nombre peut aussi être tenu pour la mesure de la fréquence relative d'un événement ou pour une propension objective. La raison pour laquelle le concept de loi et le concept de probabilité se prêtent à cette dualité d'interprétations est qu'une probabilité et une loi nous renseignent sur des événements ou des états de choses non seulement réels ou réalisés mais aussi possibles.

Les buts de la démarche scientifique

Parmi les sciences empiriques, qu'on oppose à la logique et aux mathématiques, on distingue traditionnellement les sciences expérimentales (comme la chimie) des sciences d'observation (comme l'astronomie) ; et on distingue les sciences de la nature des sciences humaines.

Quoique la démarche scientifique n'ait sans doute pas un but unique, on affirme à bon droit qu'en science on cherche à découvrir les lois de la nature, à les confirmer grâce à des preuves[...]

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Écrit par

  • : chargé de recherche en philosophie au C.N.R.S., membre du Centre de recherche en épistémologie appliquée

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Karl Popper - crédits : Keystone/ Getty Images

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