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LOI, épistémologie

Les lois universelles et le problème de l'induction

Plus une loi est générale, abstraite, éloignée des détails de l'observabilité, plus variés sont les phénomènes auxquels elle s'applique, plus est grand son pouvoir explicatif. Ainsi, la loi de la gravitation universelle a révélé aux hommes la parenté inattendue entre la chute des corps à la surface de la Terre, la trajectoire parabolique des projectiles à la surface de la Terre, la trajectoire elliptique des planètes autour du Soleil, la loi des aires de Kepler, le mouvement des marées, etc.

Comme l'ont souligné Duhem et Popper, lorsqu'elle fut incorporée dans le système de la mécanique newtonienne, la troisième loi de Kepler subit une modification : « a3/T2 = constante » devint « a3/T2 = mi + mj » (où « mi » et « mj » désignent les masses respectivement du Soleil et d'une planète du système solaire). La première formulation est une bonne approximation de la seconde sous réserve de l'une ou l'autre de deux idéalisations possibles : (a) que toutes les planètes ont la même masse ou (b) que leur masse peut être ignorée (ou tenue pour nulle) ; (a) est fausse et (b) est incompatible avec la loi de la gravitation universelle car un corps de masse nulle ne peut entrer dans des interactions gravitationnelles. Comme la loi de la gravitation universelle fait partie des principes grâce auxquels la troisième loi de Kepler peut être expliquée (dans le système newtonien), la formulation originale doit être révisée. Les lois de la nature sont donc sous le contrôle « ascendant » des observations et « descendant » des lois plus générales.

La formation des hypothèses nomologiques universelles est un mystère logique. On ne peut évidemment pas les déduire des faits expérimentaux ou des phénomènes observables. Le problème de la formation des hypothèses nomologiques est ce qu'on nomme depuis le philosophe anglais du xviiie siècle, David Hume, le problème de l' induction ou de l' inférence non démonstrative. Nous n'examinons directement qu'un échantillon fini (ou petit) de cas observés ; nous « projetons » (inductivement) le résultat de nos observations sur les cas inobservés ou sur des situations hypothétiques irréalisées auxquels s'appliquent les lois.

On considère depuis Hume qu'il existe deux catégories d'inférences ou de raisonnements : démonstratifs (ou conformes aux règles de la logique déductive) et inductifs ou non démonstratifs (qui ne sont pas régis par les règles de la logique déductive). Il y a un fossé inductif entre les faits observés et les hypothèses nomologiques : celles-ci sont « sous-déterminées » par ceux-là. Hume ayant prouvé que l'induction n'est pas la déduction, les philosophes ont progressivement renoncé à justifier l'induction, c'est-à-dire à essayer de combler le fossé entre l'induction et la déduction parce que la justification des principes invoqués pour justifier l'induction (par exemple, le principe de la ressemblance entre les cas examinés et les cas non examinés) enveloppe une régression à l'infini ou suppose justifiée l'induction.

Karl Popper - crédits : Keystone/ Getty Images

Karl Popper

Certains philosophes sceptiques, dont Popper dans La Logique de la découverte scientifique (1934), ont conclu de ce que l'induction n'a pas de fondement, qu'elle n'existe pas – que c'est une illusion de croire qu'il existe d'autres formes de raisonnement que les raisonnements démonstratifs. Pour Popper, c'est une même erreur dogmatique de croire à l'existence de processus de raisonnement non démonstratifs, de croire que l'accumulation de preuves favorables – la confirmation d'une hypothèse – augmente la probabilité que l'hypothèse soit vraie ou donne des raisons de tenir une hypothèse pour vraie. Pour Popper, la démarche scientifique[...]

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Écrit par

  • : chargé de recherche en philosophie au C.N.R.S., membre du Centre de recherche en épistémologie appliquée

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Karl Popper - crédits : Keystone/ Getty Images

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