LOI
La loi dans son exercice
Expression de la raison, la loi est, comme elle, générale, impersonnelle et permanente. Ces caractères attachés à la conception classique de la loi n'illustrent pas seulement une philosophie du droit ; ils définissent pratiquement la politique législative, c'est-à-dire en définitive une manière d'entendre le rôle du pouvoir.
La généralité de la loi tient à son objet qui ne doit pas aller au-delà de l'énonciation de principes universellement valables.
« L'office de la loi, déclarait Portalis dans son Discours préliminaire au projet de Code civil, est de fixer par de grandes vues les maximes générales du droit ; d'établir des principes féconds en conséquence et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. » Implicitement ou expressément, on se réfère aux tables du Sinaï qui, sur quelques commandements, fondent tout un ordre de vie. Parce qu'elle est générale, la loi doit être brève et simple ; elle ne doit pas « être subtile » (Montesquieu) pour remplir son office qui suppose qu'elle est aisément comprise par tous. « Les dogmes de la religion doivent être simples », disait Rousseau. Au surplus, l'affirmation de la généralité de la loi a répondu à un souci très concret : celui d'assurer par elle l'unité nationale. C'est l'unité de la loi qui fait l'unité de la communauté. Si la pensée du xviiie siècle répugne à la coutume ce n'est pas seulement par mépris à l'égard de cette survivance des « âges barbares », c'est aussi à raison de la diversité des milieux et des croyances où s'enracine la coutume et qu'elle perpétue. C'est à son règne que la codification est venue mettre un terme car, puisque « la vérité est une et indivisible » comme l'affirmait Cambacérès en 1793, la règle de droit doit présenter les mêmes caractères, quelle que soit la province où vivent les hommes qu'elle régit.
À la généralité de son objet la loi joint l'impersonnalité de ses destinataires. Là encore, des préoccupations très pratiques rejoignent les considérations théoriques pour justifier ce caractère. « Quand je dis que l'objet des lois est toujours général, écrit Rousseau, j'entends que la loi considère les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme individu, ni une action particulière. » Cela, c'est le principe : la loi s'adresse à l'anonymat de la nature humaine. Dans le fait, son impersonnalité répond à l'exigence de l'égalité ; elle supprime les distinctions de naissance, de rang ou de fonction ; elle exclut les privilèges. C'est là une vertu qui n'a pas cessé d'attacher le peuple à la loi, car le privilège n'est dénoncé que quand il favorise les autres.
Enfin, la loi est permanente. S'il en est ainsi, c'est sans doute parce qu'elle participe « au droit naturel universel et immuable » (titre I, art. 1er, du premier projet de Code civil), mais c'est aussi parce que, garantie des droits de l'individu, sa stabilité les met à l'abri des caprices et des revirements des équipes gouvernementales. C'est également parce que le respect même de la loi présuppose cette stabilité : « La multiplicité des lois qui changent tous les jours se concilie difficilement avec le culte de la loi » (Laurent, Principes de droit civil).
Aucune qualité n'a été davantage magnifiée que cette fixité de la loi « dépôt sacré » (Cambacérès), « arche sainte » (Bigot de Préameneu), « code immortel » (Louvet), « ancre salutaire » (Portalis). De tels éloges peuvent aujourd'hui susciter un sourire désabusé. Il importe de comprendre toutefois qu'ils n'étaient pas vaine phraséologie. Ils procédaient d'une intention politique très précise ; celle-là même que[...]
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Écrit par
- Georges BURDEAU : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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