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BHATTACHARYA LOKENATH (1927-2001)

Né à Bhatpara, non loin de Calcutta, au bord du Gange, Lokenath Bhattacharya vit là ses premières années, jusqu'à ce que ses parents s'établissent dans la grande métropole du Bengale, en 1934. Cette petite enfance dans l'intimité du fleuve vénéré des hindous s'avère une précieuse ouverture sur l'infini pour ce fils de brahmanes voués à l'étude et à l'enseignement du sanskrit, dans un climat d'austérité ne laissant aucune place aux épanchements lyriques.

L'éloignement du fleuve aimé est ressenti comme une déchirure. Lokenath Bhattacharya, à l'instar de Rabindranath Tagore, ne sera jamais attaché à Calcutta, où il fait ses premières études. Dès lors, malgré la pression familiale, l'apprenti sanskritiste s'éloigne du rigorisme ritualiste, en s'efforçant de suivre ses penchants pour les arts et la poésie, comme une tentative de survie.

C'est pendant ses années d'études littéraires à Santiniketan, menées de 1945 à 1950 dans l'université fondée par Tagore, qu'il trouve, en ce cadre bucolique et artistique, encore très habité par la personnalité et les idéaux du poète décédé en 1941, l'occasion d'épanouir sa personnalité portée à la contemplation et à son expression esthétique. Ses premiers écrits datent de cette période, qui est aussi celle où le jeune homme, comme tous ses contemporains, est marqué par les drames sanglants de l'indépendance de l'Inde britannique et de la partition du pays entre l'Union indienne et le Pakistan, en 1947.

De retour à Calcutta, Lokenath Bhattacharya commence l'apprentissage du français et publie des traductions de Rimbaud. Plus tard il traduira Molière, Descartes, Michaux. Au cours d'un séjour à Paris, où il rédige une thèse de doctorat, de 1953 à 1956, il rencontre France Montérou, qu'il épousera dès son retour en Inde. Fréquentant les milieux littéraires, il reçoit les encouragements d'Aragon et publie ses premiers poèmes en français dans Les Lettres françaises et Europe. Marqué par le symbolisme et le rejet contemporain des conventions formelles, il a commencé à écrire des poèmes en prose, sa forme de prédilection.

À partir de son retour en Inde, parallèlement à sa carrière professionnelle, notamment à l'Académie des lettres indiennes, Bhattacharya publie régulièrement ses textes (poésie, mais aussi romans, théâtre, traductions, essais). Sa carrière littéraire prend une nouvelle tournure à partir de 1974, grâce à une rencontre avec Henri Michaux, à l'initiative duquel voit le jour en 1976 un recueil de poèmes traduits en français, Pages sur la chambre. Dans les années qui suivent, la plus grande part de son œuvre est traduite à un rythme accéléré à partir des années 1990, où il s'installe à Paris (Le Danseur de cour, 1985 ; Les Marches du vide, 1987 ; La Descente du Gange, 1993 ; Où vont les fleuves, 1998 ; Le Sacrifice du cheval et La Couleur de ma mort, 1999).

La limpide musique des mots, choisis pour leur sobriété, caractérise le style de l'auteur. Dans des textes-méditations, où revit l'esprit de la „voyance“ des poètes védiques, il suit le parcours mouvant de la quête de l'instant merveilleux entrevu dans les brisures du temps. La référence suprême du poète est clairement la démarche gnostique des Upanịsad à la rencontre de l'unité fondamentale de la création. Constamment l'esprit du poète envisage une multiplicité de possibles, privilégie les hésitations de la perception et du mental, chérit la nuit, pour mieux accueillir les fulgurantes lumières de la contemplation absorbée dans la danse perpétuelle de l'Univers.

Derrière l'hégémonie du manifesté, Bhattacharya décèle la puissance permanente du caché qui ne peut se révéler que dans une absolue simplicité. Aux antipodes de l'inquiétude[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences de bengali à l'Institut national des langues et civilisations orientales

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