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CHANEY LON (1883-1930)

Pour bien des amateurs de cinéma fantastique, Lon Chaney, acteur et réalisateur américain, est d'abord le fantôme qu'il incarna dans la première des adaptations du roman de Gaston Leroux (1909-1910), Le Fantôme de l'Opéra, de Rupert Julian (1925). Il serait pourtant injuste de limiter à un personnage unique celui qui fut L'Homme aux mille visages, titre du film qui lui est consacré en 1957.

Il naît le 1er avril 1883 à Colodado Springs. Le fait que ses parents soient sourds-muets, est-il la source de son aptitude à s'exprimer par les mouvements et contorsions du visage et du corps ? L'art de la pantomime le mène sur la scène du théâtre dont son frère est propriétaire. Chanteur, danseur, il débute au cinéma en 1913 dans des films burlesques et des westerns où sa mine patibulaire fait merveille au côté du célèbre William S. Hart. Il en vient à s'intéresser particulièrement au maquillage et écrira à la fin de sa vie l'article « Maquillage » de l'Encyclopædia Britannica. Il dirige lui-même quelques films en 1915. En 1919, il est particulièrement remarqué dans le rôle de Frog, le faux infirme mendiant du Miracle, de George Loane Tucker. C'est alors qu'il rencontre, pour Fleur sans tache (1919), le metteur en scène Tod Browning, qui le dirigera dix fois. Sous l'égide de l'Universal, il interprète les rôles les plus extravagants. Dans The Penalty (Wallace Worsley, 1920), amputé des deux jambes à la suite d'un diagnostic erroné, il se venge en soulevant la pègre de San Francisco. Il est le Fagin d'Oliver Twist (Frank Lloyd, 1922), le Quasimodo de Notre-Dame de Paris (W. Worsley, 1923)... Dans Larmes de clown ou Celui qui reçoit des gifles, de Victor Sjöström (1924), il montre tout son talent dramatique, et le grand réalisateur suédois affirme qu'il est incontestablement « un des plus merveilleux acteurs de l'écran et de la scène aussi bien en Amérique qu'en Europe ». On retrouve son sens du pathétique dans Ris donc, Paillasse (Herbert Brenon, 1928) et tout autant, de nouveau sous la direction de Sjöström, dans le rôle d'un vieux paysan sombrant dans la folie par excès d'amour paternel de La Tour des mensonges (1925).

Lon Chaney s'investit beaucoup dans la conception de son personnage d'Erik du Fantôme de l'Opéra : maquillages, masques, gestuelle, mais aussi psychologie, tout y concourt. Le fantôme se révèle un homme au visage ravagé, pour lequel Chaney s'est composé une figure effrayante. Erik rejoint ainsi les héros que l'acteur incarnera sous la direction de Tod Browning, avec lequel s'épanouit son univers. « Quand je travaille à une histoire pour Chaney, explique Browning, je ne pense jamais à l'intrigue. Celle-ci s'inscrit d'elle-même une fois que j'ai conçu mon personnage. » Une infirmité y frappe le personnage de Chaney, ajoutant une exclusion à une infériorité sociale. Le héros se réfugie souvent dans le monde du spectacle, tel Alonzo dans L'Inconnu (1927), Phroso, le magicien de West of Zanzibar (1928), ou bien utilise son handicap pour abuser des clients fortunés (le ventriloque Echo dans Le Club des trois, 1925). Dans L'Oiseau noir (1926), l'athlétique voleur Dan se cache sous le masque de son frère Bishop, bienfaiteur religieux et infirme. Si le héros peut un temps utiliser son handicap à son profit, il se retourne le plus souvent contre lui, en particulier sous l'effet de l'amour qu'il croit capable de lui permettre de surmonter la dégradation physique. Alonzo se fait ainsi passer pour un homme sans bras, puis se fait amputer par amour pour Estrellita qui a peur des mains des hommes. Mais, entre-temps, la jeune femme s'est jetée dans les bras de l'hercule Malabar.

Lon Chaney tourne un seul film parlant en 1930, le remake très fidèle du [...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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