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LOPE DE RUEDA (1510?-1565)

Avec Juan de la Cueva, Lope de Rueda est l'un des principaux représentants du théâtre espagnol antérieur à Lope de Vega. On connaît mal sa vie. Né à Séville vers 1510, il devint à la fois acteur et auteur dramatique après avoir exercé le métier de « batteur d'or » (batihoja). La petite troupe qu'il dirige et avec laquelle il parcourt l'Espagne en jouant ses propres pièces obtient de vifs succès. À Valence où il séjourna, il se lie d'amitié avec Juan de Timoneda, qui éditera plus tard (1567 et 1570) ses œuvres.

Cervantès, qui l'avait vu jouer personnellement, lui décerna de vifs éloges dans le prologue de ses Ocho Comedias y ocho entremeses.

L'édition des œuvres de Lope de Rueda, publiée en 1908 par l'Académie espagnole, se compose essentiellement de cinq comedias (en prose : Eufemia, Armelina, Los engañados, Medora ; en vers : Discordia y Cuestión de amor) ; de trois colloques pastoraux (en prose : Camila, Tymbria ; en vers : Prendas de amor) ; de dix pasos en prose : Los Criados, La Carátula, Cornudo y contento, El Convidado, La Tierra de Jauja, Pagar y no pagar, Las Aceitunas, El Rufián cobarde, La Generosa Paliza, Los Lacayos ladrones) ; d'un dialogue en vers : Diálogo sobre la invención de las calzas ; et d'un auto, courte pièce allégorique : Auto de Naval y Abigail. Les thèmes, les péripéties romanesques, les procédés des conteurs ou des dramaturges italiens (Bandello, Boccace, Cecchi, Rainieri, Giancarli) inspirent les comédies de Rueda dont on a pu dire qu'elles représentent le « triomphe de l'influence italienne dans le théâtre espagnol de l'époque ». Plus que de l'intrigue, l'intérêt de ces pièces vient des petites scènes, souvent mal reliées entre elles, qui les composent ; Rueda y montre son génie de l'anecdote qui apparaît aussi dans ce qui constitue le meilleur de son œuvre : les pasos. Ce sont — comme les entremeses — de courtes scénettes, comiques ou satiriques, d'une grande richesse folklorique. On avait coutume de les représenter au début des grandes comedias ou bien de les intercaler entre les différents actes. Les personnages sont des types populaires hauts en couleur, souvent ridicules ou grotesques : le simplet, le biscayen, la commère, la négresse, le ruffian, le laboureur, ou encore le bachelier, l'étudiant et le médecin. Le naïf, ou le fol (bobo), transformation du berger (pastor) de Juan del Encina, est à l'origine de la figure du gracioso (valet bouffon) du théâtre du xviie siècle. L'argument se réduit habituellement à une très simple anecdote. La langue fourmille de proverbes, de mots et de tours familiers. C'est la vivacité du dialogue, la grâce pittoresque des scènes de mœurs, le naturel et le relief des comparses qui font le charme et la valeur de ces pasos. L'effet comique y est souvent poussé jusqu'à la parodie ou la cocasserie. Le regard aigu de l'observateur et l'humour acéré d'un esprit satirique sont les talents que Lope de Rueda manifeste ici à un haut degré. Cervantès lui-même lui sera redevable de cet art laconique et mordant de mettre en jeu ou de tourner en dérision les types humains les plus ordinaires et les plus savoureux.

Parmi les pasos de Lope de Rueda on retiendra d'abord le plus célèbre : Las Aceitunas (« Les Olives »), illustration rustique pleine de fraîcheur d'un conte d'origine orientale : une jeune paysanne est vertement morigénée par ses parents qui se chamaillent au sujet du prix des olives dont ils n'ont pas encore planté les oliviers qui doivent les produire. Dans La Carátula (« Le Masque ») on voit le chevalier Salcedo, à l'aspect fantomatique, épouvanter sa servante avec un horrible masque. Inspiré de Boccace, Cornudo y contento (« Cornard et satisfait ») a une truculence à la Breughel.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Autres références

  • TIMONEDA JOAN (1518?-1583)

    • Écrit par
    • 640 mots

    Né à Valence, ce tanneur, devenu libraire vers 1547, se fait connaître à partir de 1553 en éditant ses œuvres ou celles de ses amis. À sa mort, il jouit d'une confortable aisance dont témoigne son testament. Cette biographie embourgeoisée et sa culture d'autodidacte boulimique ont pu conduire...