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FRÖLICH LORENS (1820-1908)

Peintre et dessinateur, Lorens Frölich, de nationalité danoise, vient se fixer à Paris de 1857 (où il fréquente l'atelier de Thomas Couture) à 1877, date à laquelle il retourne à Copenhague pour enseigner à l'Académie des beaux-arts. À Paris, il trouve sa voie d'illustrateur grâce à l'éditeur Hetzel, séduit d'emblée par la qualité de ses croquis d'enfants et mettant à profit cette veine dans des collections à l'usage des tout-petits, pour lesquelles Hetzel lui-même, sous son nom de plume P.-J. Stahl ou « un papa », composait de petits textes très courts. Certaines de ces histoires paraissent en publication pré-originale dans le Magasin d'éducation et de récréation, avant d'être éditées en albums cartonnés ou reliés, imprimés avec tout le soin qu'Hetzel mettait dans chacun de ses livres. Cette entente de quinze années scelle une entreprise originale où les deux partenaires inventent pour la petite enfance une littérature de l'image adaptée à la perception visuelle de ce public, alors que, jusque-là, les illustrateurs ne se souciaient pas de simplifier leur manière pour leur création à l'usage des plus jeunes : les grandes planches en noir et blanc que Gustave Doré fournit en 1861 à Hetzel pour les Contes de Perrault marquent bien cette indifférenciation. En s'intéressant au monde du bébé, Frölich renverse la situation et fait admettre la spécificité d'une lecture de l'image enfantine.

À partir du portrait de sa fille Edma, prise sur le vif « au naturel, dans toutes ses poses, dans tous ses gestes », Frölich met en scène la comédie des tout-petits avec ses mimiques, ses mouvements, sa grâce pataude, ses préoccupations quotidiennes dans l'environnement familier. D'un trait léger le dessinateur trouve le modelé idéal pour rendre les traits menus de la physionomie et la souplesse des chevelures, le volume de petits corps charnus, sans cesse en mouvement, qui occupent le centre de la composition. Il privilégie les formes en esquissant juste les décors et construit des images très lisibles où les blancs bien répartis reposent l'œil et mettent en valeur le motif. Aucune trace de mièvrerie pourtant dans les aventures de Mlle Lili qui, en grandissant, passe du stade de nourrisson remuant (Mademoiselle Mouvette est un chef-d'œuvre d'observation malicieuse) à celui de citadine parfois transplantée à la campagne. Le naturel, la justesse de ton, l'absence de pudibonderie pour évoquer les petits malheurs corporels comme les roueries ingénues sont pour beaucoup dans le succès des albums de Frölich, traduits en allemand, en anglais, en danois et réédités pendant plus d'un demi-siècle. C'est certes la première fois que l'enfant est ainsi saisi dans sa corporalité, dans sa vitalité, qu'il devient sujet d'inspiration à part entière à partir de quoi l'artiste dégage une atmosphère authentique de tendresse un peu moqueuse — car il ne s'agit pas de culte de l'enfant. La représentation de l'enfance chez Frölich est à la fois réaliste et poétique, et, par là, tranche avec celle de Bertall, souvent grinçante et parfois macabre dans les scènes des Albums Trim.

Maîtrisant parfaitement le dessin à la plume, Frölich tente sous l'impulsion de son éditeur l'aventure de la couleur, dans une collaboration fructueuse avec l'imprimeur strasbourgeois Silbermann, l'un des premiers à expérimenter en France la chromotypographie. Hetzel, soucieux d'obtenir les meilleurs résultats, surveille les différents tirages, car « ces impressions à l'huile, véritable tour de force typographique, ne déteignant point, n'offrent pas pour les enfants les mêmes inconvénients que les couleurs à l'eau ». Ainsi la série des albums en couleurs Rondes et chansons de l'enfance[...]

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