LORRAIN CLAUDE GELLÉE dit CLAUDE (1600-1682)
Le paysage classique
Le paysage classique a deux composantes principales, l'une stylistique, l'autre thématique. Comme le peintre de figures étudie son modèle et l'idéalise afin d'éliminer les imperfections de la nature, Claude se pénètre de la campagne romaine ; mais il la modifie suivant un sens idéal de la beauté. Devant ses tableaux, on pressent toujours la présence de Rome et de ses environs. Mais Claude n'est pas védutiste (il introduit parfois dans ses motifs un édifice réel uniquement dans les commandes pour des étrangers). Le peintre de figures se sert d'exemples de l'Antiquité et de la Renaissance ; en revanche, le paysagiste ne dispose pas de points de repère. Ni Raphaël ni l'Antiquité ne lui offrent de modèles. Claude dessine bien la seule ancienne fresque importante de paysage alors connue ; il copie les figures des loges de Raphaël et les paysages de Polidoro, mais la véritable inspiration classique lui est venue des derniers paysages d'Annibale Carrache et de son continuateur, le Dominiquin, auxquels il s'ouvre vers les années 1640-1645. Son art, pittoresque jusqu'alors, devient classique. Les proportions internes de ses compositions sont calculées avec une précision digne d'un maître de la Renaissance.
Claude se voue ensuite au second élément du paysage classique : le sujet. Poète, et non pas historien ou archéologue, il laisse de côté les péripéties de l'histoire ancienne. Les sujets mythologiques et religieux animent de plus en plus ses paysages ; la simple danse champêtre devient alors les Noces d'Isaac et de Rébecca (1648). Cette période est illustrée par le Jugement de Pâris (1645). Les personnages, qui n'étaient d'abord que des additions, conditionnent dès lors la structure entière de chaque tableau, de sa composition jusqu'au choix des détails. L'application de la loi du juste rapport entre le thème et la forme, observée par tous les artistes classiques, devient extrêmement raffinée chez Claude. Les arbres, les rochers et les plans sont pour lui ce que les figures représentent pour le peintre d'histoire. Ainsi, il place un hêtre isolé et majestueux près de héros tels que Moïse devant le buisson ardent ou David.
Cette phase classique est suivie de 1650 à 1660 d'une phase monumentale et héroïque, caractérisée par de très grands tableaux : le Parnasse, de 1652, Le Veau d'or, Jacob et Laban, de 1654, Le Christ au mont Tabor, David, enfin Esther (brûlé), que l'artiste affirme être son chef-d'œuvre. Ces tableaux, où des sujets bibliques graves dominent, sont l'expression la plus virile et la plus grandiose de Lorrain. Sa production continue pendant les dix années suivantes, au cours desquelles l'ampleur artistique s'épanouit une fois de plus. Les sujets classiques atteignent désormais à une importance égale aux sujets religieux : le Sacrifice du père de Psyché, Le Château enchanté, Les Quatre Heures du jour, Moïse, etc. On peut caractériser ce paysage comme idéal et antique. Pendant les dernières années de sa vie, Claude produit sans interruption, mais à une cadence un peu ralentie. Le paysage pur, sans architecture, et la poésie pastorale apparaissent de nouveau. Son dernier tableau, la Chasse d'Ascanius, peint à l'âge de quatre-vingt-deux ans, est à la fois personnel, puissant et délicat.
L'art de Claude n'a cessé d'évoluer et de s'approfondir. Pour l'apprécier, il faut considérer deux facteurs : le sujet est souvent adapté au choix de l'acheteur qui est guidé soit par l'allusion à un événement de sa vie (comme dans les Navires troyens et dans le Père de Psyché), soit par la glorification de sa famille (comme dans Égérie). En outre, presque tous les tableaux importants ont été créés par paires, la liaison entre les deux pendants étant marquée[...]
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Écrit par
- Marcel ROETHLISBERGER : professeur à l'université de Genève
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Médias
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