LORRAIN CLAUDE GELLÉE dit CLAUDE (1600-1682)
Un dessinateur passionné
Avec Rembrandt et Rubens, Claude est un des meilleurs dessinateurs de tous les temps. L'objet principal de ses efforts demeure toujours le tableau, et son œuvre dessiné peut être vu en fonction de son activité de peintre. Un tiers environ consiste en études de nature qui sont à la base de son expérience poétique ; les deux autres tiers se rapportent directement à des compositions peintes. Mais si la doctrine classique ne considère le dessin que comme un moyen – et c'est l'utilisation qu'en font Carrache, Poussin, Vouet et Lebrun –, Claude attribue au dessin une autonomie spéciale. Chaque dessin, même une étude, devient pour lui une œuvre d'art indépendante. On ne trouve guère d'esquisses et de croquis chez lui.
De ces dessins on retiendra les brillantes études de nature brossées au lavis, en plein air, entre 1630 et 1645, tel le Paysage à Tivoli qui illustre l'article. Cet art est dû aux maîtres du Nord qui ont travaillé en Italie – Elsheimer, Bril, Sandrart, Breenbergh –, et non pas à la tradition italienne de Tassi ou de Carrache. Par son art de la simplification et de l'abstraction, Claude l'emporte sur tous ses contemporains.
Au fur et à mesure que la composition peinte gagne en importance, le dessin préparatoire remplace l'étude de nature. Les deux espèces appartiennent à des ordres différents. Tandis que l'étude prise sur le vif se limite, en général, à deux plans sans détails excessifs, l'étude pour le tableau respecte dès le début l'organisation complexe du macrocosme peint. Le nombre de dessins préparatoires pour un tableau – toujours très poussés – ne cesse d'augmenter. Dans les plus beaux exemples, on voit l'artiste aux prises avec les problèmes de l'acte créateur (cf. l'étude pour Esther). L'habileté du pinceau y est remplacée par la précision de la plume.
Une catégorie spéciale du graphisme de Claude réunit les dessins reproduisant ses tableaux finis. Le monument principal est le Livre de vérité (Liber veritatis, British Museum, Londres), un volume chronologique de deux cents dessins qui représentent tous les tableaux de l'artiste à partir de l'année 1635. Il y a, enfin, d'autres dessins très finis, parfois très grands, qui sont soit des modèles, soit des répétitions de tableaux majeurs, ainsi que des feuilles indépendantes produites comme des « tableaux dessinés ». D'un effet riche, et souvent exécutés sur du papier bleu, les dessins de composition de Claude ont été ignorés trop longtemps. S'il est vrai que la beauté de ses études de nature n'a pas été surpassée, l'artiste s'en est pourtant détourné dans son âge avancé pour se vouer entièrement aux compositions.
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Écrit par
- Marcel ROETHLISBERGER : professeur à l'université de Genève
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Médias
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