HARRISON LOU (1917-2003)
Un des protagonistes de l'avant-garde musicale américaine, Lou Harrison s'est toujours refusé à participer aux polémiques opposant les tenants des écoles établies. Pour lui, la musique devait être ouverte à toutes les expériences, puiser dans toutes les traditions, notamment dans les « musiques des peuples du monde », pour reprendre le titre d'un cours de son maître Henry Cowell. Un des premiers, il a opéré une synthèse réussie entre les univers musicaux occidentaux et asiatiques.
Né le 14 mai 1917 à Portland (Oregon), Lou Silver Harrison effectue la majeure partie de ses études musicales à San Francisco. S'il assiste en 1942 au séminaire de composition d'Arnold Schönberg à l'université de Californie à Los Angeles, il n'en demeure pas moins étranger au sérialisme et au dodécaphonisme : ce n'est pas là qu'il puisera le secret pour organiser ses sons. Sa voie, il l'a trouvée auprès de Henry Cowell, dont il suit en 1935 le cours Music of the Peoples of the World, auprès de qui il prend des cours privés, et dont il devient l'ami. Durant ces années d'apprentissage, ses compositions sont encore de caractère néoclassique.
Mais, pour Harrison, il faut intégrer la vie à l'œuvre d'art, faire de la musique le lieu de résonance des expériences humaines. À l'instar de son ami John Cage, dont il a fait la connaissance en 1938, Harrison va brasser de multiples références et sources sonores soigneusement choisies. Double Music, pour quatre percussionnistes, composé conjointement par Cage et Harrison (1941), Song of Quetzalcoatl (1941) ou la Suite for Percussion (1942) mêlent ainsi aux instruments à percussion traditionnels des ustensiles comme des pots de fleurs ou des tubes métalliques, mais aussi des instruments de cultures extra-occidentales, comme le teponaztli des anciens peuples du Mexique.
En 1943, Lou Harrison s'installe à New York, où il assure, au côté de Virgil Thomson, la critique musicale dans le New York Herald Tribune (1944-1947). Le 5 avril 1946, il dirige la première mondiale de la Troisième Symphonie de Charles Ives, composée une cinquantaine d'années auparavant et dont il a édité la partition ; en recevant en 1947 le prix Pulitzer pour cette œuvre, Ives exigera de partager ce prix avec Harrison, sans qui cette création n'aurait pas eu lieu. En 1951, Harrison quitte New York pour s'installer durant deux ans en Caroline du Nord, où il est nommé professeur au Black Mountain College. Il regagne la Californie en 1953.
En 1939, lors de la Golden Gate International Exposition de San Francisco, il avait pour la première fois entendu des gamelans, orchestres javanais ou balinais dont les sonorités ne cesseront dès lors de le fasciner. À la fin des années 1950, il ancre son langage dans le système modal indonésien. Il compose ainsi un Concerto en slendro, pour trois pianos, violon et percussion (1961 ; le slendro est un des deux modes de la musique indonésienne). En 1963, alors qu'il est en résidence à l'université d'Hawaii, il écrit Pacifika Rondo, œuvre syncrétique dans laquelle se mêlent instruments coréens, chinois et instrumentarium occidental. Avec l'élargissement de cet instrumentarium par intégration d'instruments extra-européens, de nouveaux procédés compositionnels et une nouvelle ornementation se mettent en place.
En 1967, Harrison rencontre William Colvig, un ingénieur électricien passionné d'acoustique, qui va devenir son compagnon dans la vie (Harrison est un des premiers artistes américains à afficher ouvertement son homosexualité) ; ils vont construire ensemble de nouveaux instruments : gongs de différentes tailles, résonateurs de tout type et, en 1971, ce qu'ils nomment un « gamelan américain », ensemble de métallophones principalement élaborés à partir de matériel de récupération (tubulures en acier, boîtes de[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
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