REED LOU (1942-2013)

Lou Reed (Lewis Alan Reed, né le 2 mars 1942 et mort le 27 octobre 2013 à New York) a contribué à faire accéder le rock au rang d'une expression musicale adulte, violente et maîtrisée, complexe, lumineuse et désespérée, en réalisant un syncrétisme inédit des musiques populaires américaines, des avant-gardes artistiques et des philosophies de l'existence de la vieille Europe. Juif, new-yorkais et homosexuel : trois identités assez fortes pour fixer un destin, surtout si elles interfèrent au long d'une vie avec la passion de la musique et de la littérature, au mépris de tout le reste. Assez subversives, aussi, pour jeter Lou Reed en travers de l'ordre moral des États-Unis de l'après-guerre.

Enfant, Lou Reed joue de la guitare en imitant les grands de l'époque. À seize ans, ses parents lui font subir une série d'électrochocs pour éradiquer son homosexualité. Touche-à-tout anticonformiste et provocateur dans ses tentatives et tentations d'exister par l'art, il délaisse les études après une licence de lettres et fait du théâtre, écrit des poèmes, des chansons, un opéra et une sonate pour violon et piano, enregistre un disque et anime une radio pour y diffuser les musiques qu'il aime. Il fréquente les artistes de New York, les jazzmen du Five Spot Café notamment (Thelonious Monk, John Coltrane, Ornette Coleman...). Delmore Schwartz, un poète et professeur de quarante ans son aîné, exerce sur lui un ascendant considérable, tout comme les beatniks (Burroughs, Kerouac...) ou les romanciers du roman noir américain. Il voue une passion aux drogues, qu'il explore de façon systématique, du chanvre indien aux amphétamines, de la codéine au L.S.D. Tandis qu'il occupe un emploi alimentaire dans la maison de disques Pickwick International, il rencontre en 1964 John Cale, puis Maureen Tucker et Sterling Morrison : le quatuor devient The Velvet Underground, groupe méconnu à son époque et passé depuis lors à la légende.

Repéré en 1966 par Andy Warhol, The Velvet Underground devient le groupe fétiche de la Factory. Son premier album, The Velvet Underground and Nico (1967), pour lequel Warhol a adjoint au groupe le mannequin allemand Nico, comprend des classiques, tels que Femme fatale, I'mwainting for the man ou Heroin. Le son est à contre-courant de l’utopie hippie du moment, et tire son originalité de la rencontre du rock dépouillé et violent de Lou Reed avec l’univers expérimental et atonal de John Cale. Les textes sombres, vénéneux et subversifs de Lou Reed marient rock et poésie. Pourtant le succès n’est pas au rendez-vous. Il en sera de même pour les albums White Light/White Heat (fin 1967) et The Velvet Underground (1969). Quand la vie au sein du groupe n'est plus tenable, Lou Reed, irascible, paranoïaque et toxicomane, n'achève même pas l'enregistrement de l'album Loaded(1970) et, humiliation suprême, doit accepter de travailler chez son père comptable.

Son activité artistique ne faiblit pas cependant : une carrière solo commence, fortement soutenue par David Bowie, un inconditionnel du Velvet Underground. Lou Reed, un album encore très marqué par les années précédentes, et surtout Transformer (qui contient Walk on the Wild Side), produit par Bowie, paraissent en 1972. La musique y est agressive mais puissamment mélodique, les guitares saturées y sont reines, paroles et pochette manifestent un dandysme décadent et jouent du thème du travestissement sexuel. Lou Reed vient de tracer pour la musique des années 1970 une ligne de force qui le fera reconnaître plus tard comme l'initiateur du punk. Cette voie nouvelle est cependant jalonnée d'échecs dus à une santé détruite, à la dépendance accrue aux psychotropes et même à un court séjour en prison. Les productions de cette époque sont parfois d'un intérêt limité, mais on y trouve aussi les réussites éclatantes de [...]