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ARAGON LOUIS (1897-1982)

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L'œuvre de l'écrivain français Louis Aragon est l'objet d'un malentendu que son auteur semble avoir favorisé à plaisir. Lui-même a très tôt relevé, comme un trait constitutif de sa personnalité, qu'on ne saurait l'estimer entièrement : « À chaque instant je me trahis, je me démens, je me contredis. Je ne suis pas celui en qui je placerai ma confiance » (« Révélations sensationnelles », in Littérature, n° 13, 1920). On peut articuler cette contradiction intime à la notion par laquelle il a tenté de résumer son esthétique : le mentir-vrai, qui joue dans les deux sens ; car la passion de la communication sincère en direction du plus grand nombre se double toujours en lui d'une inverse et irrépressible disposition à la complication, au déguisement ou au théâtre, comme l'indique le dernier titre de son œuvre romanesque, Théâtre/Roman.

Cette « double postulation simultanée », pour citer Baudelaire dont son dandysme le rapproche, a de quoi fasciner autant qu'irriter ; l'ampleur de son œuvre – plus de quatre-vingts volumes en soixante années – ne peut se comparer qu'à celle de Victor Hugo, par rapport auquel il fit à la fois mieux (si l'on attend de l'écrivain la critique des pouvoirs propres de son écriture), et moins bien (si on l'évalue selon la force de son message ou selon sa capacité prophétique). De tous les enseignements d'Aragon, on retiendra en effet qu'il inculque d'abord à son lecteur la diversité de la personne humaine ou, d'un titre majeur, son mouvement perpétuel. À chaque nouvelle étape de son existence passionnée, ses adversaires, qui furent nombreux, eurent beau jeu de lui opposer ses propres textes : lui-même a répondu qu'on ne saurait le comprendre sans dater avec précision chacun de ses écrits. Comme s'il avait voulu par là renvoyer les contradictions fécondes de son œuvre et de sa personne à celles, plus larges, d'un monde ou d'un siècle avec lequel, selon Blanche ou l'oubli, le romancier fait l'amour.

Un merveilleux printemps

Né le 3 octobre 1897 à Paris d'un père (le député Louis Andrieux, un temps ambassadeur à Madrid) qui refusa de le reconnaître et d'une mère, Marguerite Toucas, qui se fit jusqu'en 1918 passer pour sa sœur, le jeune garçon vécut dès son enfance un roman familial passablement compliqué, qu'évoqueront les grands romans du Monde réel (Les Voyageurs de l'impériale notamment). Étudiant en médecine malgré lui, il traversa l'épreuve de la Première Guerre (de juin à novembre 1918) comme médecin auxiliaire, et dadaïste : sa rencontre avec André Breton au Val-de-Grâce orienta sa révolte, et l'amitié qui les lia aussitôt décida pour quatorze années de sa production littéraire.

La « littérature » (et la revue qu'il fonde en 1919 sous ce titre ambigu avec André Breton et Philippe Soupault) peut-elle résumer les passions qui l'animent alors ? Il s'agissait avant tout, à l'époque du dadaïsme et du surréalisme naissant, de « mettre le pied sur la gorge de son propre chant » et, pour reprendre l'envoi qui figurera en couverture de La Révolution surréaliste du 1er décembre 1924 (la formule est d'Aragon), d'« aboutir à une nouvelle déclaration des droits de l'homme ». Les textes de cette période illustrent les diverses tentations de ce jeune homme aux dons insolents, tiraillé entre les désirs de briller et de décevoir (comme on le voit faire tour à tour dans les poèmes de son premier recueil, Feu de joie, 1920).

L'idée de la récupération littéraire l'exaspère, mais Aragon dit sa colère en des œuvres qui, d'emblée, le classent au niveau des plus grands : Anicet ou le Panorama, roman (1921), chronique ironique d'un apprentissage, autocritique aussi, prophétique,[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Grenoble-III-Stendhal, dirige l'édition des œuvres romanesques d'Aragon dans la Bibliothèque de la Pléiade

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Louis Aragon en 1981 - crédits : william karel/ Sygma/ Getty Images

Louis Aragon en 1981

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