BLANC LOUIS (1811-1882)
Né à Madrid, où son père est inspecteur général des Finances du roi Joseph Bonaparte, Louis Blanc se rend à Paris peu après la révolution de 1830, qui ruine sa famille. À Paris, un ami de son père lui donne des cours de droit. Contraint de gagner sa vie, il est précepteur pendant deux ans à Arras où il collabore au Progrès du Pas-de-Calais. Revenu à Paris, il travaille au National et au Bon Sens dont il devient le rédacteur en chef en 1837. Sa réputation commence alors à s'établir, notamment avec la campagne pour l'extension du suffrage universel, qu'il mène dans la Revue du progrès (1839-1842) puis dans le journal La Réforme. Il publie ensuite des travaux historiques — Histoire de dix ans, 1830-1840, Histoire de la Révolution française (dans laquelle il prend la défense de Robespierre) — qui remportent un grand succès.
Journaliste et historien à une époque où ces deux activités constituaient pour un homme de gauche le plus sûr moyen d'accéder à la notoriété, Blanc devient célèbre grâce à sa brochure L'Organisation du travail, publiée en 1839 dans la Revue du progrès, et qui connaîtra dix éditions entre 1841 et 1848. Selon Louis Blanc, trois principes dominent l'histoire des sociétés : l'autorité, vaincue en 1789, l'individualisme, qui lui a succédé, et la fraternité. Pour instaurer celle-ci, il faut supprimer la concurrence sauvage dans l'économie et entre les hommes en créant des coopératives ouvrières de production, les ateliers sociaux. L'État fournirait le capital nécessaire à leur démarrage et nommerait l'encadrement. Le gouvernement jouerait ainsi un rôle de régulateur du marché, qui, lui, ne disparaîtrait pas mais serait assaini. L'importance qu'il accorde à l'intervention de l'État amène Blanc à affirmer l'interdépendance des réformes politique et sociale, « car la seconde est le but, la première le moyen ». Ses conceptions étatistes lui valent l'hostilité déclarée de Proudhon pour qui Blanc « représente le socialisme gouvernemental, la révolution par le pouvoir, comme (lui-même) représente le socialisme démocratique, la révolution par le peuple ». Comme il s'exprime de façon claire et élégante, Blanc parvient à rendre ses idées accessibles à un large public d'ouvriers et d'artisans. La révolution de 1848 le porte au gouvernement provisoire, où il forme avec l'ouvrier Albert l'aile gauche. Il voit alors ses idées « descendre dans la rue ». Il réclame la création d'un ministère du Travail. Vainement. Nommé à la direction de la commission du gouvernement pour les travailleurs, dite commission du Luxembourg, il peut enfin réaliser ses projets, et contribue à la formation des premiers ateliers sociaux. Mais son idée est rapidement dénaturée, et les ateliers nationaux créés par le gouvernement ne sont plus que des sociétés de travaux publics destinées à éloigner de Paris la masse flottante des chômeurs. Les résultats des travaux de la commission sont en définitive assez minces et, selon la formule de Marx, « Pendant qu'au Luxembourg on cherchait la pierre philosophale, on frappait à l'Hôtel de Ville (siège du gouvernement) la monnaie qui avait cours ».
Les socialistes subissent un grave échec lors des élections à l'Assemblée constituante du 18 mars ; Blanc est élu, mais loin derrière Lamartine. Il doit alors quitter le gouvernement. Le 15 mai, il désapprouve l'invasion de l'Assemblée par les manifestants car, pour lui, la révolution doit être pacifique et ne doit pas porter atteinte à la fraternité entre les classes sociales. Mis en accusation par le parti de l'ordre, il prend les devants et s'enfuit en Angleterre. Il demeure à Londres jusqu'à la chute de l'Empire et se consacre à ses travaux historiques ; son Histoire[...]
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Écrit par
- Élisabeth CAZENAVE : agrégée de l'Université
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