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FONTANES LOUIS DE (1757-1821)

De famille noble, passionné pour la poésie, Fontanes produit avant la Révolution quelques œuvres qui lui permettent de se faire connaître dans le monde littéraire. En 1783, il publie une traduction en vers de l'Essai sur l'homme de Pope, précédé d'un Discours préliminaire qu'on trouva d'une rare sûreté de goût chez un jeune homme de vingt-six ans. En 1789, dans son Essai sur l'astronomie, il mêle à l'inspiration scientifique une exaltation de l'infini divin.

La Chartreuse de Paris est un poème que Chateaubriand réimprimera en entier dans Le Génie du christianisme, précédant sa reprise d'un commentaire qui en définit l'intention : « Ces beaux vers prouveront aux poètes que leurs muses gagneraient plus à rêver dans les cloîtres qu'à se faire l'écho de l'impiété. »

Les deux hommes ont fait connaissance en Angleterre, où Fontanes s'est réfugié en 1797. Dès le début de la Révolution, il avait rédigé avec son ami Suard une feuille contre-révolutionnaire au titre bien choisi : Le Modérateur. Il s'était caché sous la Terreur, puis il avait profité de la réaction thermidorienne pour devenir membre de l'Institut ; ses menées royalistes l'avaient fait proscrire en fructidor. Il rentre en France après le 18-Brumaire, réussit à devenir un des amants d'Élisa Bonaparte (Mme Félix Bacciochi) et entre ainsi dans les bonnes grâces du nouveau régime. C'est Fontanes qui fait revenir Chateaubriand en France en 1800 et l'introduit chez Mme de Beaumont. C'est encore lui qui pousse Chateaubriand à écrire Le Génie du christianisme et à le dédier au premier consul. Fontanes s'assure docilement les faveurs de Bonaparte ; il travaille à la résurrection du Mercure de France, accepte une place importante au ministère de l'Intérieur, devient président du Corps législatif en 1804. Il s'emploie à favoriser la renaissance religieuse : « Point de culte, point de gouvernement, écrit-il à Lucien Bonaparte, le 18 avril 1801, les conquérants habiles ne sont jamais brouillés avec les prêtres. On peut les contenir et s'en servir à la fois... On peut rire des augures, mais il est bon de manger avec eux les poulets sacrés. »

En 1808, l'Empereur le nomme grand maître de l'Université : c'est un tournant significatif du règne, car jusque-là toutes les institutions de la nouvelle Université impériale avaient été mises en place et organisées par Fourcroy, chimiste célèbre et ancien conventionnel dont les sympathies révolutionnaires n'étaient pas totalement éteintes. Avec la nomination de Fontanes, l'esprit de l'Université change : défense et soutien du catholicisme, et surtout introduction sournoise d'éléments royalistes de plus en plus nombreux. C'est Fontanes, par exemple, qui fera entrer au Conseil le vicomte de Bonald, dont le nom seul est un programme. Sénateur et comte d'Empire, Fontanes redouble publiquement ses adulations envers Napoléon ; en secret, il a renoué avec les partisans des Bourbons et il s'emploie à en peupler le corps enseignant.

À la Restauration, il est nommé ministre d'État et siège au centre droit à la Chambre des pairs. Il achève sa vieillesse dans la société intime de ses vieux amis : Joubert, Chateaubriand, Bonald. Il passe pour un maître d'harmonie et d'élégance classique. On célèbre la bienveillance dont il fait preuve à l'égard des jeunes écrivains bien-pensants, dont il favorise l'entrée à l'Académie française. Peu avant sa mort, il fonde et préside la Société des bonnes lettres : bons sentiments (de droite, bien sûr) à défaut de bonne littérature — aimable couronnement d'une carrière fort joliment menée.

— Denise BRAHIMI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, professeure agrégée des Universités (littérature comparée), université de Paris-VII-Denis-Diderot

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