GRENADE LOUIS DE (1504-1588)
Dominicain et auteur spirituel espagnol, Luis de Sarria, né à Grenade d'une famille modeste, eut une vocation précoce et fit profession dès 1525. Il fut chapelain du duc de Medina Sidonia, puis devint provincial de son ordre au Portugal (1557). Prédicateur renommé, il suscita notamment l'admiration de Philippe II ; il écrivit d'ailleurs en latin une sorte de traité de la prédication, Retórica eclesiastica, traduit en espagnol en 1770. Il subit fortement l'influence de Juan de Avila (1500-1569) dont il tient le goût du style cicéronien et le sens du contact familier avec son auditoire. À la suite de Savonarole et des mystiques italiens, il a une préférence marquée pour l'oraison mentale plutôt que pour l'oraison vocale. Son œuvre apologétique est très variée : biographies, traductions, opuscules dévots, sermons, lettres... elle vise toute à conduire le chrétien de l'ascèse initiale à la plus haute perfection. Ses biographies de Juan de Avila et de Bartolomé de los Mártires sont parsemées d'observations et de souvenirs personnels. Outre l'Imitation de Jésus-Christ, dont une traduction lui a été attribuée peut-être à tort, il traduisit L'Échelle du paradis de saint Jean Climaque. El Libro de la oración y meditación (1554) est un exposé méthodique, en quatorze méditations, des cinq degrés de l'oraison mais il ne s'agit peut-être que de l'amplification d'un ouvrage de saint Pierre d'Alcantara. Inspiré surtout par saint Thomas d'Aquin et par la scolastique, Memorial de la vida cristiana (1561) présente une théorie de l'amour divin où l'auteur plus qu'ailleurs laisse s'épancher un véritable élan mystique. Publié à Lisbonne en 1556, puis sous sa forme définitive en 1567, la Guía de pecadores connut une popularité considérable. L'auteur se propose d'y « donner des conseils et des règles à l'homme pour arriver à la vertu ». La première partie démontre la nécessité de la vertu et les avantages que l'on en retire ; la seconde analyse les vices et les vertus et enseigne les moyens d'éviter le péché. Écrit dans une langue très rythmée et très belle ce livre, plus qu'un guide pratique, est un traité de l'âme inspiré par une connaissance très fine et très sûre des arcanes du psychisme humain, pressentis à travers l'expérience du confesseur et du directeur de conscience. L'œuvre majeure de Louis de Grenade reste l'Introduction au symbole de la foi (Introducción al símbolo de la fe, 1583). La première partie célèbre les beautés de la Création qui élèvent jusqu'à Dieu ; la seconde contient un éloge de la foi et de la doctrine chrétiennes, illustré par les exploits de quelques martyrs. Le mystère de la Rédemption est l'objet de la troisième partie. La dernière est « une grandiose apologie du christianisme » (Marcel Bataillon). Les descriptions de la nature gardent dans un esprit franciscain toute leur vivacité et leur fraîcheur. La richesse du lexique, la minutie de l'observation, l'émerveillement devant le spectacle du monde font l'attrait de beaucoup de ces pages d'anthologie. Héritier de la réflexion des grands interprètes de la nature — Aristote, Pline, Cicéron, Lucrèce, Vésale —, ce grand livre est à la fois un hymne à la création et une encyclopédie de la science contemporaine. Par le style il est un monument de la prose castillane de la Renaissance. Son sens didactique fondé sur une intuition vraie du cœur humain, la rigueur systématique de sa doctrine ascétique, la curiosité universelle de son esprit, une aspiration mystique fortement empreinte d'affectivité conférèrent à la spiritualité de Louis de Grenade un très grand rayonnement dans l'Espagne du Siècle d'or et même dans toute l'Europe de la Contre-Réforme[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
Classification