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DES MASURES LOUIS (1515 env.-1574)

Auteur de tragédies sacrées, Louis Des Masures précède Ronsard de quelque dix années, et sa jeunesse se déroule grâce à son protecteur Jean de Lorraine dans le milieu humaniste de la cour de François Ier, où gravitent des poètes traducteurs de textes anciens. Il travaille lui-même à une translation de L'Énéide, et ses premiers essais poétiques se situent en partie dans la tradition néo-latine (Carmina, 1557). Les Œuvres poétiques de 1557 contiennent encore des épigrammes et des épitaphes qui relèvent de cette inspiration préronsardienne. Toutefois, l'admiration de Des Masures pour la jeune Pléiade apparaît aussi dans ce recueil, notamment dans l'Ode à Du Bellay, qui s'achève par un vibrant éloge de Ronsard. Des liens d'amitié unissent alors les deux hommes, et Ronsard lui dédie certains poèmes. Les Œuvres poétiques offrent une traduction d'une vingtaine de psaumes qui témoigne des préoccupations profondes de l'auteur. La tentation de la Réforme était bien antérieure car, exilé à Rome par Henri II en 1547 — peut-être pour intelligence avec des chefs impériaux —, Des Masures, en revenant par Genève, avait en secret adhéré à la religion nouvelle. Il s'était ensuite établi en Lorraine, jusqu'à ce qu'en 1562 l'accusation d'hérésie l'oblige à s'enfuir à Metz. Ses dernières années, à Sainte-Marie-aux-Mines et à Bâle, sont celles d'un ministre calviniste au service de sa foi.

Sa formation humaniste reparaît dans le choix qu'il fait de la langue latine pour écrire une épopée sur les troubles religieux, la Borbonias, dédiée en 1572 à Coligny, et pour les Poemata (édition posthume de 1574), qui réunissent des éloges de poètes et de ministres protestants, des cantiques et des prières. En revanche, la trilogie biblique sur David (1563) relève plus étroitement de la littérature militante. L'épître de dédicace définit le but édifiant de ce théâtre. Les épreuves de David sont l'image des persécutions subies par le Christ, mais aussi par les réformés. Ce héros constitue donc un exemple de piété et de confiance, dans trois épisodes : David combattant, la victoire sur Goliath ; David triomphant, David fugitif, le bref triomphe et l'exil. La théologie protestante de la prédestination est illustrée par le destin de cet élu, qui a reçu la Grâce sans aucunement la mériter par ses vertus. Il est vainement tenté par Satan, dont l'intervention constitue un des moteurs de la tragédie. Les réprouvés au contraire sont incarnés par Goliath ou par Saül. Cette trilogie est un genre hybride, qui doit aux mystères médiévaux la juxtaposition de différents lieux, mais qui respecte dans chacune des trois pièces la règle antique de l'unité d'action et de l'unité de temps. Comme dans la tragédie antique, l'action progresse grâce à l'évolution psychologique et aux crises, lorsque David est guetté par le désespoir et par l'orgueil. Ce double héritage est exploité dans une forme qui, selon l'esthétique des protestants, refuse toute complaisance. La simplicité du style frôle parfois la platitude, malgré une métrique variée et quelques emprunts au style de la tragédie latine. Elle contribue cependant à la grandeur tragique d'un théâtre où le salut est en jeu, et où l'authenticité des conflits internes l'emporte sur la rhétorique. Cette perspective originale est commune à Des Masures et à son prédécesseur Théodore de Bèze, l'auteur de l'Abraham sacrifiant. À la différence des écrivains anciens, Bèze et Des Masures ne mettent pas en scène des revers de fortune, mais la condition de l'homme entre la Grâce et l'appel de Satan.

— Françoise JOUKOVSKY

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