GLANGEAUD LOUIS (1903-1986)
Né à Tulle en 1903, Louis Glangeaud a occupé une place exceptionnelle au sein de la communauté géologique française. Animé par une passion dévorante de la géologie, auteur d'une œuvre scientifique considérable, il fut un chef d'école particulièrement dynamique : on sait maintenant que ce fut un grand visionnaire et un véritable précurseur des sciences de la Terre modernes.
Louis Glangeaud entreprit ses premières recherches géologiques en 1925, dans les montagnes de la zone littorale d' Algérie. À cette époque commençait en France une réaction « antinappiste » qui devait durer plus de vingt ans et qui contestait la découverte des nappes alpines, vastes panneaux rocheux ayant subi des déplacements horizontaux de plusieurs centaines de kilomètres et qui, empilés les uns sur les autres, constituent les grandes chaînes de montagnes comme les Alpes. Il découvrit alors de telles nappes de charriages en Algérie ; l'esprit de l'époque étant à les supprimer, il fut, à tort, vivement contesté et pour le moins peu encouragé, à tel point d'ailleurs qu'à partir de 1932 il dut abandonner ses recherches sur la géologie de l'Algérie. Il ne put les reprendre qu'en 1949, pour la préparation du congrès géologique international d'Alger (1952). Il étendit ensuite son champ d'action à l'ensemble du Maghreb. Ce fut le début d'une activité débordante : il bouleversa la géologie de toute l'Afrique du Nord en mettant en évidence un pays de nappes superficielles pelliculaires, nappes qui sont devenues des exemples classiques dans les manuels de géologie structurale. Ses recherches furent ensuite élargies à l'arc de Gibraltar, à l'arc de Calabre, à l'Apennin et aux fonds de la Méditerranée. L'étude de cette zone particulièrement complexe le conduisit à s'interroger sur les méthodes de travail et de raisonnement en géologie, sur la nécessité de compléter les données de surface par des informations sur la structure profonde obtenues par les méthodes géophysiques et géochimiques, sur la validité des synthèses géologiques régionales et sur les mécanismes géodynamiques généraux à l'échelle de la croûte et du manteau supérieur. Étonné par l'aspect purement local de la plupart des études géologiques de son époque, il jeta peu à peu les bases d'une approche géodynamique. On vit ainsi apparaître dans ses publications un grand nombre de concepts qui, sous d'autres vocables, sont devenus d'usage courant : croûte amincie, distension triasicoliasique, hiatus sismique ou océanique, paléo-océan, néo-océan, géo-suture, tectorogène alpin, serrage limilaire, éjection plastique, phénomène mono-liminaire, bombement du manteau... En particulier, il faut signaler que Louis Glangeaud parlait déjà des plissements néo-tectoniques d'âge plio-quaternaire en Algérie au début des années 1930, alors que les recherches néo-tectoniques ne se sont développées en France que dans les années 1970, à l'instigation d'un programme géodynamique national. À une époque où bien peu de géologues s'y intéressaient, il mit toujours l'accent sur l'importance de l'analyse des phénomènes actuels comme moyen de compréhension et d'étalonnage des phénomènes orogéniques anciens. Il insista sur la nécessité de raisonner à toutes les échelles et de tenir compte des changements d'échelle dans l'analyse des phénomènes naturels géologiques. Il insista aussi sur la nécessité d'une approche pluridisciplinaire visant à compléter l'observation géologique de type naturaliste par les données de la géophysique et de la mécanique des roches, de façon à avoir une approche tectonophysique des phénomènes orogéniques. On se rend compte aujourd'hui combien Louis Glangeaud était alors tout à fait isolé dans ses réflexions géodynamiques. Personne en France ne se doutait que vingt ans plus tard, avec la découverte de la [...]
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Écrit par
- Maurice MATTAUER : professeur à l'université des sciences et techniques du Languedoc, Montpellier
- Jacques-Louis MERCIER : professeur à l'université de Paris-Sud, Orsay
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