GRODECKI LOUIS (1910-1982)
L’historien d'art, Louis Grodecki eut deux maîtres, Henri Focillon et Erwin Panofski ; il fut l'élève du premier à partir de 1929, peu de temps après son arrivée en France – il était né à Varsovie en 1910 et devait être naturalisé français en 1935 – et rencontra beaucoup plus tard (en 1949) le second, à l'Institute for Advanced Study de Princeton. L'admirable exposition de 1953, Vitraux de France du XIe au XVIe siècle, dont il assuma la principale responsabilité, le fit reconnaître à son tour par la communauté internationale du monde savant. Chargé d'enseignement à l'université de Strasbourg puis titulaire à l'université de Paris-Sorbonne de la chaire d'histoire de l'art médiéval qu'avait occupée Henri Focillon, il assuma, à partir de 1975, la présidence du Comité international du Corpus Vitrearum Medii Aevi. Une large partie de son œuvre personnelle fut en effet consacrée à cet art du vitrail, dont il sut mettre en évidence la richesse spirituelle et la puissance poétique en même temps qu'il en étudiait, avec une méthode rigoureusement scientifique, les aspects iconographiques et stylistiques. Les livres et les très nombreux articles qu'il consacra à la peinture sur verre nous ont appris à considérer celle-ci comme l'une des plus prestigieuses créations du monde médiéval (Le Vitrail français, 1958 ; Les Vitraux de la Sainte-Chapelle de Paris, 1959 ; Les Vitraux de Saint-Denis, t. I, 1976 ; Le Vitrail roman, 1977). Dès 1949, Louis Grodecki affirmait avec vigueur que le vitrail n'était pas un art « mineur » soumis au primat de l'architecture, mais qu'il agissait sur les nécessités constructives et en créait de nouvelles (« Le Vitrail et l'architecture au xiie et au xiiie siècle », in Gazette des Beaux-Arts, 1949). Soulignant la complexité des rapports entre les arts figurés (par exemple : « Problèmes de la peinture en Champagne pendant la seconde moitié du xiie siècle », Acts of the XXth International Congress of the History of Art, 1963) ou rapprochant tel atelier de peinture sur verre des œuvres de certains sculpteurs chartrains (« Les Problèmes de l'origine de la peinture gothique et le Maître de saint Chéron » de la cathédrale de Chartres », in Revue de l'art, 1978), Louis Grodecki, au-delà de ses travaux sur les vitraux et bien qu'il fût soucieux d'éviter les excès de la Kunstwissenschaft, se montra toujours fasciné par les problèmes de l'apparition et de la définition des styles, révélateurs de mutations historiques plus larges. Reprenant des études ébauchées à la Sorbonne alors qu'il participait au séminaire de Focillon, il devait ainsi approfondir les recherches dont celui-ci avait été l'initiateur sur le xie siècle et en particulier sur les premiers essais d'une sculpture protoromane ou romane (« Les Débuts de la sculpture romane en Normandie. Bernay », in Bulletin monumental, 1950 ; « La Sculpture du xie siècle en France. État des questions », in L'Information d'histoire de l'art, 1958 ; Le Siècle de l'an mil, 1973). La complexité des métamorphoses formelles du gothique, depuis le milieu du xiie siècle jusqu'au règne de Saint Louis, le retint tout autant (« À propos de la sculpture française autour de 1200 », in Bulletin monumental, 1957 ; « La Première Sculpture gothique. Wilhelm Vöge et l'état actuel des problèmes », in Bulletin monumental, 1959 ; La Sainte Chapelle, 1962 ; L'architecture gothique, 1979). Ainsi fut-il l'un de ceux qui mirent le mieux en évidence l'originalité d'un style propre aux années 1200, style marqué notamment par un caractère antiquisant très prononcé. Sa réflexion nourrie du résultat des recherches de l'érudition européenne et anglo-saxonne a toujours largement dépassé[...]
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Écrit par
- Jacques HENRIET : secrétaire général de la Société française d'archéologie
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