DE KONINCK LOUIS HERMAN (1896-1984)
Entre Schindler, en Californie, et Gropius, au Bauhaus, Louis Herman De Koninck (né en 1896 à Bruxelles) apparaît comme l'un des chaînons majeurs d'une démarche centrée sur un objet architectural précis, l'habitation bourgeoise, c'est-à-dire sur la production d'espaces privés autonomes, marquée par la technologie d'une société industrielle en pleine expansion et soumise à la pression d'idéologies libérales et technocratiques. Il s'agit, en fait, d'une architecture productrice d'images inattendues par la bourgeoisie intellectuelle, progressiste et technocratique, mais acceptées comme telles avec une évidente satisfaction (la satisfaction de participer activement à un remaniement du mode de vivre, de bénéficier des directives domestiques inspirées par un pimpant code fonctionnaliste), sans se soucier des quolibets de circonstance que des éléments appartenant à des classes moins privilégiées lançaient devant ces « boîtes », devant des objets aussi insolites ou secrètement agressifs. Architecture qui renouvelle, durant la décennie 1920-1930, l'image des années 1900 (symbolisée en Belgique par l'architecture de Victor Horta), mais qui — le phénomène paraît sociologiquement intéressant à observer — s'est trouvée contestée, dès les années 1905-1910, par cette autre bourgeoisie marchande et industrielle qui, après avoir patronné, financé, soutenu l'Art nouveau, abandonnait ses délirantes propriétés urbaines bruxelloises pour gagner la campagne environnante et s'installer dans d'épaisses « villas » ou de spongieux « châteaux », spécialement érigés en termes académiques pour mieux marquer le recul qu'il convenait de prendre devant l'extension de l'Art nouveau et son appropriation par une classe moyenne.
Fondée, quant à elle, sur un principe d'autorité et sur la mathématisation des besoins, l'architecture visuelle, formelle, que conçoit De Koninck est une architecture frustrante de type individualiste, une architecture de la raison, du sensible (Phidias, Le Nôtre, Palladio, Ledoux, Le Corbusier), et non une architecture de type psychosocial, de l'espace corporel et de la sensualité (troglodytes, bororos, dogons, Steiner, Gaudí, Finsterlin, Soleri). Elle s'organise, s'ordonne, se développe à partir de deux pôles, de deux matrices : d'une part, un modèle d'architecture sans architecte, la ferme flamande et brabançonne (modèle que De Koninck a longuement interrogé entre 1915, durant ses études à l'Académie de Bruxelles [1912-1916], et 1919, année où il participe à une exposition de projets de reconstruction de fermes détruites en Brabant durant la Première Guerre mondiale) ; d'autre part, le modèle sériel industriel qui met en cause la maison traditionnelle— dès 1917, De Koninck inaugure son activité en créant pour une firme de matériaux de construction les premiers éléments préfabriqués en pierre artificielle produits en Belgique (hourdis, charpentes, marches d'escalier, blocs creux). Dans le même ordre de recherche, De Koninck met au point, en 1919, un système de constructions préfabriquées, légères, démontables. Il imagine, en 1921, un système d'habitations préfabriquées économiques, d'inspiration hollandaise, et procède à des essais de normalisation de portiques en béton pour la construction d'étables, d'écuries, de hangars. Quelques années plus tard, il invente une brique de verre à réfraction normalisée ; d'autre part, il conçoit un prototype métallique d'« habitation minimum » (1930), une cuisine standard industrialisée, un jeu d'éléments modulaires en bois (système Metrikos, 1939), un projet de construction modulée en bois pour la S.A. Tecta (1939), un bungalow à ossature démontable entièrement préfabriqué en acier, y compris le [...]
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Écrit par
- Robert L. DELEVOY : directeur de l'École nationale supérieure d'architecture et des arts visuels, Bruxelles
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