KAHN LOUIS ISADORE (1901-1974)
Figure majeure de l'architecture dans les années 1955-1975, Louis I. Kahn, établi à Philadelphie et actif aux États-Unis, en Inde et au Bangladesh, est perçu comme l'architecte américain qui aurait conduit à son terme une période de l'histoire de l'architecture, le modernisme, né de la croyance en une mission sociale de l'architecture et de l'engouement pour de nouveaux matériaux suscité par le développement de la société industrielle. Il s'est forgé un langage personnel avec des projets qui s'éloignent des dogmes de l'époque, notamment celui du style international. Il a participé aux grands débats architecturaux de son temps : la monumentalité, l'authenticité, l'idée de communauté. Il s'est intéressé à des recherches structurelles et géométriques qui lui permirent d'accomplir un travail rigoureux sur le plan, l'épaisseur de la paroi et la lumière et de réévaluer les leçons de l'histoire. Professeur d'architecture à l'université de Pennsylvanie dès 1957, il a exprimé ses idées dans son enseignement comme dans ses écrits avec des formules à la fois poétiques et philosophiques. Au total, il a influencé fortement l'évolution de l'architecture.
Les années d'apprentissage
Né dans l'île de Saaremaa en Estonie en 1901, venu aux États-Unis avec ses parents à l'âge de cinq ans, Louis Kahn reçoit de 1920 à 1924 un enseignement dans la tradition Beaux-Arts, à l'université de Philadelphie, sous la direction de Paul Cret. Cette tradition n'est plus du tout au goût du jour lorsqu'il commence son activité professionnelle, au moment où la crise économique de 1929 réduit considérablement l'activité du bâtiment. Kahn en profite pour étudier et construire selon les principes du modernisme – continuité spatiale, régularité des façades conçues comme enveloppe, économie de la construction, fenêtres en longueur. Il s'intéresse aux nouvelles possibilités structurelles offertes par les matériaux produits industriellement et réalise des logements sociaux et des maisons individuelles.
Grâce au concours simultané de plusieurs facteurs – début de son activité d'enseignant en 1949 dans le milieu fécond de l'université Yale et rencontre avec des personnalités aussi diverses que R. Buckminster Fuller (1895-1983) ou Josef Albers (1888-1976) –, Kahn trouve progressivement son originalité. Il synthétise et reformule à partir de sa vision moderniste certaines des idées philosophiques, des convictions morales, des critiques sociales et des tendances esthétiques de sa communauté intellectuelle. Son voyage à Rome au cours de l'hiver 1950-1951, où il est invité par l'American Academy, signe pour lui l'acte d'une seconde naissance. Les villes et les monuments vus et dessinés lors de ce voyage – les places médiévales des villes italiennes, à Rome le Panthéon, les ruines des thermes de Caracalla, à Tivoli la villa d'Hadrien, le Parthénon d'Athènes et les pyramides d'Égypte – changent profondément sa compréhension de l'héritage historique. Il ne cessera ensuite de dire combien il admire l'état de ruines de ces architectures parce qu'il révèle et dévoile la structure tectonique, le génie du lieu et le sublime des dimensions. Kahn, cependant, n'est pas un architecte de la « mémoire » et encore moins un historiciste. Il n'utilise ni colonnes, ni corniche, ni fronton. Par là, il s'éloigne des architectes postmodernes qui cherchent délibérément à incorporer des signes symboliques, historiques ou conventionnels dans leurs réalisations. La recherche de la forme pure, dépouillée, archétypale caractérise son architecture. Dans les années 1960, une série de bâtiments publics – églises, synagogues, couvents, laboratoires de recherche biologique, centre gouvernemental, musées, bibliothèques, résidences universitaires – lui donne l'occasion de réfléchir à ce que pourraient être[...]
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Écrit par
- Caroline MANIAQUE : architecte-chercheur, maître assistante à l'École d'architecture de Lille
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Média
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