KAHN LOUIS ISADORE (1901-1974)
Concepts architecturaux et réalisations
Pour comprendre les concepts qui sous-tendent l'architecture de Kahn de 1950 à 1975, il est nécessaire d'en énoncer les principaux thèmes – la géométrie, la distinction des parties du plan, la structure, la lumière et les matériaux – en les illustrant par des bâtiments emblématiques.
Une modeste construction, les pavillons-vestiaires de la piscine de Trenton (New Jersey, 1954-1955), joue un rôle capital dans l'œuvre de Kahn en inaugurant une série de procédés qu'il développera par la suite : un plan centré qui ordonne et différencie les espaces ; un élément structurel, le pilier, qui remplit plusieurs fonctions ; le recours à la lumière zénithale ; la composition à partir de volumes géométriques simples et leur arrangement par répétition, imbrication et fragmentation. Avec sa célèbre distinction entre espace servi et espace servant, il tente de clarifier l'essence de chaque partie entrant dans la composition d'un plan.
Dès lors, pour Kahn, le mur n'est plus seulement une enveloppe transparente et légère, il devient grâce à son épaisseur un espace habitable, interstice tangible entre l'intérieur et l'extérieur.
La brique, la pierre, le béton répondent à cette recherche d'opacité. Séduit par l'effet de stabilité des constructions anciennes (où la quantité des matériaux utilisés se justifie par une obligation structurelle), il est conscient que la capacité de résistance des matériaux de construction conduit à la finesse plutôt qu'à l'épaisseur. Kahn use alors d'une subtilité : pour justifier le recours à la densité (même si celle-ci est illogique du point de vue économique), il attribue à la structure une double fonction. Elle sera tout à la fois porteuse et génératrice d'espace vide pour accueillir, entre autres, les réseaux techniques (le plafond de la galerie d'art pour l'université Yale à New Haven, Connecticut, 1951-1953). Par ailleurs, Kahn tient à révéler d'emblée comment le bâtiment est construit : « Un bâtiment n'existe pas tant qu'on ne voit pas comment il est fait », répète-t-il souvent. Cette logique de la visibilité le conduit à laisser les matériaux à l'état brut, leurs textures et leurs propriétés optiques étant les seuls ornements de la paroi. La brique, le béton et le bois s'harmonisent entre eux et offrent un épiderme particulier qui accroche la lumière plus intensément que ne le ferait une surface enduite cachant toute aspérité (Kimbell Art Museum, Fort Worth, Texas, 1966-1972).
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Écrit par
- Caroline MANIAQUE : architecte-chercheur, maître assistante à l'École d'architecture de Lille
Classification
Média
Autres références
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