Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

JOUVET LOUIS (1887-1951)

Louis Jouvet dans Entrée des artistes, M. Allégret - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Louis Jouvet dans Entrée des artistes, M. Allégret

Il y a deux Louis Jouvet : l'homme de théâtre, un des plus importants animateurs de compagnie et metteurs en scène du xxe siècle ; et la vedette de cinéma – malgré lui, pourrait-on dire – dont une quarantaine de films conservent pour la postérité la silhouette dégingandée, le visage en lame de couteau et la diction unique.

« Le théâtre, disait Jouvet, ça ne s'apprend pas, ça ne s'explique pas non plus ; ça se vit. » De fait, il commencera très tôt à vivre sa passion. Il naît le 24 décembre 1887 à Crozon (Finistère). Après avoir quitté sa Bretagne natale, et tout en menant à bien des études de pharmacie, il fait à Paris ses débuts d'interprète, en 1907, dans une société d'amateurs, le groupe d'Action d'art. Sa rencontre avec Jacques Copeau, qui l'engage comme régisseur (et comédien) au théâtre du Vieux-Colombier, en 1913, sera déterminante. Dix ans plus tard, Jouvet signe sa première mise en scène – Knock, de Jules Romains – à la Comédie des Champs-Élysées, dont il assumera la direction de 1924 à 1934.

En 1927 a lieu une rencontre qui va illuminer la carrière de Jouvet : celle de Jean Giraudoux, dont il monte Siegfried en 1928. L'univers du poète trouve dans les mises en scène et les interprétations de Jouvet et de sa compagnie (constituée en 1924) son prolongement et une correspondance idéale : Tessa, Électre, La guerre de Troie n'aura pas lieu, Amphitryon 38, Ondine, Intermezzo, Sodome et Gomorrhe, L'Apollon de Bellac et La Folle de Chaillot seront autant d'événements, sur la scène de l'Athénée, un théâtre qu’il va diriger de 1934 à sa mort, à l’exception des années de guerre. Jouvet monte aussi Marcel Achard (Jean de la Lune, Domino), Jean Sarment (Léopold le Bien-Aimé), Corneille (L'Illusion comique), Molière (L'École des femmes, Tartuffe et Dom Juan), et même Jean Genet (Les Bonnes) et Jean-Paul Sartre (Le Diable et le Bon Dieu), tout en assurant ses cours au Conservatoire, dès 1934. En revanche, il refusera à deux reprises de devenir administrateur de la Comédie-Française, saisi sans doute par l'inquiétude de ne pas y rester « seul maître à bord ». Sa vision du théâtre est simple, en apparence : « Mettre en scène, c'est servir l'auteur, l'assister par une totale, une aveugle dévotion qui fait aimer son œuvre sans réserve. En résumé, la mise en scène est un tour de main, un tour de l'esprit, et du cœur, un comportement de la sensibilité, où doit entrer tout ce qu'il y a d'humain. Pas plus, ni moins. »

Cet effacement devant l'œuvre fera de Louis Jouvet un des metteurs en scène qui ont marqué leur temps. Bien des courants théâtraux se réclament de son influence, jusqu'à l'Actors Studio, dont le fondateur, Lee Strasberg, voit en Jouvet le premier metteur en scène « à avoir fait de l'acteur une force créative ».

Interprète, metteur en scène, directeur de troupe, mais aussi conférencier, essayiste (Témoignages sur le théâtre, Le Comédien désincarné, Réflexions sur le comédien), Louis Jouvet est venu tard au cinéma. Si l'on excepte une première apparition en 1913 dans Shylock d'Henri Desfontaines, sa vraie carrière cinématographique débute avec Topaze de Louis Gasnier (1932) d'après Pagnol. Ces débuts le plongeront dans un malaise qui se prolongera jusqu'au bout de sa vie. Jouvet et le cinéma ont entretenu vingt-neuf ans de rapports équivoques, ponctués cependant de réussites incontestables et de triomphes personnels. Mais comme le clamait Jouvet : « Le cinéma est seulement un mode d'exécution dramatique où l'acteur peut utiliser ses talents mais non pas les découvrir ou les nourrir. » Sur la quarantaine de films qui font de lui une vedette, dès Topaze et Knock (1933), on compte un bon nombre d'œuvres de qualité,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Louis Jouvet dans Entrée des artistes, M. Allégret - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Louis Jouvet dans Entrée des artistes, M. Allégret

Autres références

  • ACTEUR

    • Écrit par
    • 6 815 mots
    • 2 médias
    Ce processus métamorphique pourrait tirer son origine de la voix « matrice de la théâtralité » comme l'écrit Michel Bernard.Jouvet préconisait l'exercice primordial de la diction, de la respiration, de la sonorisation et la correspondance entre « l'état physique du comédien au moment où il...
  • CARTEL, théâtre

    • Écrit par
    • 2 015 mots
    • 1 média
    À première vue, Dullin, Jouvet, Baty et Pitoëff éprouvaient surtout, dans leur activité quotidienne, le sentiment de leurs divergences. Si Dullin et Jouvet avaient été, l'un et l'autre, disciples de Copeau, Dullin défendait un théâtre où le sens de l'action dramatique l'emportait sur le respect...
  • COPEAU JACQUES (1879-1949)

    • Écrit par
    • 1 579 mots
    ...artificielle ou réaliste, nous entendons nier l'importance de toute machinerie [...]. Pour l'œuvre nouvelle, qu'on nous laisse un tréteau nu. » C'est à cette règle d'or, dont la rigueur ne va pas sans engendrer des abus, que répondra le dispositif fixe du Vieux-Colombier, élaboré avec Louis Jouvet.
  • L'ÉCOLE DES FEMMES (mise en scène J. Lassalle)

    • Écrit par
    • 1 117 mots

    L'École des femmes, de Molière. À peine a-t-on prononcé ces quelques mots que tout se met en place. Le premier combat de Molière travesti en Arnolphe, les Maximes du mariage comme passage obligé du tyran domestique, le jeu des quiproquos. Et une pièce jugée éclatante, une comédie autobiographique,...

  • Afficher les 8 références