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LE BROCQUY LOUIS (1916-2012)

Le visage humain, ou plus exactement l'image du visage humain de quelques grands littérateurs ou peintres, est le sujet unique et obsessionnel de l'œuvre du peintre irlandais Louis Le Brocquy. Le visage, dit-il, « cette écorce irréfutable de la réalité, parvient aussi à exprimer l'esprit. C'est cela qui me fascine : l'apparence et ce qu'elle révèle. Car le visage est un paradoxe. Il cache ou masque l'esprit en même temps qu'il le révèle ou l'incarne ».

Né en 1916 à Dublin, c'est en parcourant les grands musées européens où il se forme seul à l'étude des maîtres du passé que Louis Le Brocquy décide de sa vocation de peintre. Les œuvres de ses débuts sont peuplées de personnages expressifs liés à son pays natal. Sa première grande exposition personnelle a lieu en 1947, à la galerie Gimpel de Londres.

En 1957, Louis Le Brocquy, qui fait figure d'artiste solitaire, commence une série de peintures blanches au sujet desquelles sir Herbert Read écrit : « [...] l'art de Le Brocquy s'est émancipé du mythe provincial en devenant à la fois indépendant et universel [...], cet artiste a trouvé les symboles irréductibles de ce qui est à la base de la vie de l'esprit [...], Éros et Thanatos » (A Letter to a Young Painter, Thames and Hudson, Londres, 1961).

C'est à partir de ces matrices blanches que l'artiste inscrit d'abord l'image d'un corps, puis, en 1964 (année où il détruit nombre de ses œuvres antérieures), l'image d'un visage à l'exclusion de toute autre représentation. Il faut citer d'abord une Tête ancestrale (1970, Fonds national d'art contemporain, Paris), puis les Images de James Joyce (1978, Bank of Ireland, Dublin), dont il illustrera en 1986 Les Dubliners ; les Images de Samuel Beckett (1979, Trinity College, Dublin), celles de Francis Bacon (1979, Taylor Galleries, Dublin), ou encore ces Images de William Butle Yeats, dont il réalisa une centaine de variations, qui ont été regroupées lors de l'exposition que lui a consacrée le musée d'Art moderne de la Ville de Paris, en 1976. Dans les années 1980, il peint des fleurs, des pigeons, des Enfants dans une forêt. À partir de 1975 et tout au long des années qui suivent, il donne également de nombreux portraits qui se veulent des hommages à des peintres et écrivains qui ont compté pour lui : Goya, Manet, Bacon, Yeats, Joyce, Beckett... Le musée d'Art moderne de Kamakura (Japon) a organisé une rétrospective présentant des œuvres de 1957 à 1990.

Détail après détail, avec un sens très raffiné de la couleur, Louis Le Brocquy agence le découpage rigoureux des facettes du visage, marque l'ombre et la lumière, ou d'un seul trait de pinceau creuse le regard. L'artiste inscrit indéfiniment la vulnérabilité, le drame ou la solitude de ces étranges paysages mentaux dont on se demande toujours s'ils ne sont pas sur le point de disparaître. Par le recouvrement incessant, le blanc de la touche retrouve celui du fond et laisse affleurer, à la surface de la toile ou du papier, cette attente inquiète et cet élan secret qui exprime à la fois le génie créateur de ses prestigieux modèles et le questionnement incessant que pose toute œuvre d'art. Louis Le Brocquy meurt en 2012 à Dublin.

— Maïten BOUISSET

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