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MALLE LOUIS (1932-1995)

Louis Malle est né en 1932, dans une famille de la grande bourgeoisie du Nord. Sa mère est une Béghin, son père, ancien officier de marine, est directeur de l'usine de sucre de Thumeries. Ici, on est patriote par lucidité, mais opportuniste par prudence, d'où certaines fluctuations idéologiques que le jeune garçon eut à connaître, et qu'on retrouve dans un film tel que Lacombe Lucien. Le grand tournant est cette matinée de janvier 1944, au collège des Carmes d'Avon, où un de ses condisciples – juif – est arrêté par la Gestapo et quitte la classe en lui disant simplement “Au revoir”. Deux heures plus tard, les élèves sont rassemblés dans la cour, et le directeur de l'établissement, le père Jacques, convaincu de complicité avec la Résistance, est arrêté à son tour et envoyé en déportation. Ce souvenir gravé en lui, le cinéaste parviendra à l'exorciser, quarante-trois ans plus tard, dans Au revoir les enfants.

Miles Davis et Jeanne Moreau - crédits : Keystone/ Getty Images

Miles Davis et Jeanne Moreau

Brillant élève, Louis Malle semble promis à une carrière sans histoire : sa famille souhaite l'orienter vers Polytechnique. Mais le ferment de la contestation commence à le ronger. Dans un ciné-club, il découvre La Règle du jeu, de Jean Renoir, et Les Dernières Vacances, de Roger Leenhardt. Sa décision est prise : il sera cinéaste. Dès l'âge de quatorze ans, il commence à tourner de petits films avec une caméra d'amateur. Il entre à l'I.D.H.E.C. (en même temps qu'à Sciences Po, pour rassurer sa famille) et, par l'intermédiaire d'un ami, se retrouve sur la Calypso du commandant Cousteau, dont il devient l'assistant – puis le coréalisateur – pour un documentaire sur les fonds marins : Le Monde du silence, qui obtient la palme d'or au festival de Cannes en 1956. Louis Malle est lancé, et met aussitôt en chantier un vrai premier film, dont il se veut l'auteur à part entière : Ascenseur pour l'échafaud (1958). Ce qui était au départ un “policier” de série devient une rêverie très personnelle, qui anticipe sur la désinvolture de ton de la nouvelle vague. Le générique, révélateur de ses goûts raffinés, réunit les noms de Roger Nimier (pour le scénario), Henri Decae (pour la photographie), Miles Davis (pour la musique). Jeanne Moreau, Maurice Ronet et Lino Ventura en sont les interprètes. Le prix Louis-Delluc consacre un metteur en scène de vingt-quatre ans.

Libre de toute contrainte financière, mais résolu à s'imposer dans le circuit commercial classique, Louis Malle tourne ensuite Les Amants (1958), d'après Point de lendemain, de Vivant Denon, conte libertin du xviiie siècle (mis au goût du jour par Louise de Vilmorin), qui choque les bien-pensants par son amoralisme tranquille. Puis il s'attaque à un texte réputé infilmable de Raymond Queneau, Zazie dans le métro (1960), où il fait éclater les conventions du récit cinématographique, paie son tribut au star-system, à travers Brigitte Bardot (Vie privée, 1962 ; Viva Maria, 1965) et Alain Delon (un sketch d'Histoires extraordinaires, d'après Edgar Poe, 1968), au risque de rentrer dans le rang de la “qualité française”. Dans le même temps, il fait preuve d'un superbe non-conformisme en rendant hommage à deux écrivains “maudits” : Drieu La Rochelle, un fasciste (Le Feu follet, 1963), et Georges Darien, un anarchiste (Le Voleur, 1967) ; il s'implique totalement dans ces films, dont Antoine Blondin admire “la mélancolie radieuse que donnent les images de la beauté et de la vérité”. Le voici rejeté vers le dandysme de droite. Mais il surprend à nouveau son monde en prenant fait et cause pour les trublions de Mai-68, en chahutant aux côtés de Truffaut et de Godard le festival de Cannes et en allant tourner au Bengale un documentaire “engagé”, Calcutta (1969), suivi de “réflexions de voyage” sur L'Inde fantôme. C'est[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-I, historien du cinéma

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Média

Miles Davis et Jeanne Moreau - crédits : Keystone/ Getty Images

Miles Davis et Jeanne Moreau

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