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PASTEUR LOUIS (1822-1895)

Le débat sur la génération spontanée

En 1857, Pasteur est nommé directeur des études scientifiques à l'École normale supérieure. Il remplira cette tâche avec beaucoup de dévouement, mais il eut de mauvais rapports avec les élèves de l'École ; il désapprouvait leur « esprit républicain ».

Pour poursuivre ses recherches dans cette nouvelle situation, Pasteur dut installer son laboratoire dans une soupente inconfortable des bâtiments de la rue d'Ulm. C'est là qu'il posa les bases techniques fondamentales de la microbiologie : stérilisation des milieux de culture, utilisation de filtres stérilisants (les « bougies » de porcelaine poreuse de son collaborateur Chamberland), ensemencements sur milieux de culture bien définis.

Pasteur et ses élèves (notamment Jules Raulin) réussirent à faire se développer beaucoup de micro-organismes sur des milieux quasi exclusivement minéraux. Les chercheurs « hétérogénistes », comme on les appelait à l'époque, voyaient, à partir de ces résultats, la possibilité de faire naître des micro-organismes à partir de matières inertes : c'était la thèse de la « génération spontanée » des microbes. Leur chef de file était Félix Pouchet (1800-1872), professeur à l'École de médecine de Rouen.

Le débat sur la « génération spontanée » (c'est-à-dire sur l'origine de la vie) traverse toute l'histoire de la biologie. Pouchet s'inscrit dans la lignée des partisans de la formation naturelle des êtres vivants à partir des matières en putréfaction : Aristote, Van Helmont, Needham, Buffon et même Liebig. En revanche, Pasteur, opposant résolu à la « génération spontanée », soutenait que les germes en suspension dans l'air étaient à l'origine des micro-organismes nouvellement apparus dans les milieux en putréfaction, s'appuyant, lui, sur les travaux de Redi ou Spallanzani. La controverse scientifique Pasteur-Pouchet se développa dans les années 1860-1865 et déborda largement les murs des laboratoires. La presse, des conférences publiques très suivies données par les deux protagonistes, faisaient largement écho à leurs travaux sur la question. Finalement le dilemme fut tranché par l'Académie des sciences qui se rallia, en 1865, au point de vue de Pasteur. Ce dernier avait critiqué les expériences de Pouchet parce que, dans les expériences qu'il réalisait pour prouver sa thèse, les voies d'entrée des germes atmosphériques dans les milieux de culture utilisés n'étaient pas strictement contrôlées. Pasteur démontra que, lorsque l'air et le milieu d'expérience sont réellement débarrassés de tous leurs germes, même sans chauffage mais en employant les fameux ballons à ouverture étirée en « col de cygne », le contact de l'air purifié avec une solution organique putrescible n'entraîne aucune production de microbe. Il suffit en revanche que l'air ordinaire entre en contact avec la solution pour que les germes prolifèrent en son sein.

Pour l'histoire des sciences, la controverse Pasteur-Pouchet prend surtout de l'importance par la critique de plus en plus approfondie des méthodes de la microbiologie naissante qu'elle a provoquée. La technique industrielle de la « pasteurisation », le chauffage des liquides organiques alimentaires, notamment du lait, à 70 0C, à l'abri de l'oxygène, prendra aussi son essor à cette époque. La question de l'origine de la vie sera reprise au xxe siècle, et certains résultats expérimentaux contemporains s'accordent assez bien avec les thèses des « hétérogénistes », sans toutefois que la question soit définitivement tranchée. La « théorie des germes » de Pasteur trouve encore un écho dans les vues de certains biologistes du xxe siècle, tels Svante Arrhenius ou Francis Crick, qui postulent que[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de biologie cellulaire, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie

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Acides dextroracémique et lévoracémique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Acides dextroracémique et lévoracémique

Le laboratoire de Pasteur - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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