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PERGAUD LOUIS (1882-1915)

Le xxe siècle a vu naître un groupe particulier d'écrivains issus de la classe populaire : les membres de l'enseignement public. On sait de quelle abondante manière ils se sont répandus aujourd'hui. En 1904, ils étaient encore fort peu nombreux. Louis Pergaud fut un de leurs premiers représentants.

Il est né le 22 janvier 1882 à Belmont, petit village du Doubs. Son père, déjà instituteur public, descend d'une longue lignée de paysans francs-comtois. Il connaît une enfance campagnarde, tout à fait semblable à celle de ses futurs héros. En 1898, il entre à l'école normale de Besançon, où il s'intéresse aux sciences naturelles, au point d'envisager de se présenter à l'École normale supérieure de Saint-Cloud. Par malheur, il perd son père et sa mère, coup sur coup, pendant l'hiver 1901. À sa sortie de l'école normale, quelques mois plus tard, il accepte donc un poste d'instituteur stagiaire, à Durnes. C'est là qu'il compose et fait publier, à compte d'auteur, son premier ouvrage, un recueil de vers intitulé L'Aube. Quatre ans plus tard, il est nommé titulaire à Landresse, où il se marie.

En août 1907, il renonce provisoirement à l'enseignement pour tenter sa chance à Paris. Il obtient un modeste emploi à la Compagnie des eaux, qu'il conserve jusqu'en décembre 1909, date à laquelle il réintègre l'enseignement. Il retrouve un poste d'instituteur à l'école communale d'Arcueil, puis à celle de Maisons-Alfort. Enfin, à la suite d'un concours, il est nommé expéditionnaire au service des beaux-arts de la préfecture de la Seine.

C'est pendant qu'il enseigne à Maisons-Alfort qu'il compose son premier volume de prose, De Goupil à Margot. Il s'agit d'un recueil de nouvelles que le Mercure de France publie et qui obtient le prix Goncourt en 1910.

À partir de 1911, Louis Pergaud écrit avec une sorte de fièvre : La Revanche du corbeau, autre série de nouvelles, paraît en 1911 ; La Guerre des boutons, en 1912 ; Le Roman de Miraut, en 1914. À la veille de sa mobilisation, il remet le manuscrit des Rustiques au Mercure de France.

Le 3 août 1914, il est mobilisé à Verdun. Il disparaît pendant la nuit du 7 au 8 avril 1915, à Marchéville. Son corps n'a jamais été retrouvé.

Il laisse des articles, des notes, des brouillons et un roman inachevé, Lebrac bûcheron, où l'on retrouve un des héros de La Guerre des boutons.

Rien n'est poignant comme une œuvre brutalement interrompue, au moment même où elle prenait forme. Avec les cinq ouvrages et demi qui la constituent (en mettant de côté les deux recueils de vers), celle de Louis Pergaud nous laisse sur une faim cruelle. Pourtant, elle offre curieusement un panorama assez complet de la vie des paysans francs-comtois au début de ce siècle. Pour la décrire, Pergaud n'a eu qu'à regarder autour de lui, à rassembler des souvenirs d'enfance, à écouter les récits de ses parents et de ses voisins.

Mais, contrairement à la plupart des romanciers rustiques, le jeune écrivain a su ne pas rester un sténographe de la mémoire populaire. Trois qualités essentielles fondent la plénitude de son talent. Il possède d'abord un sens aigu de l'observation, que son enfance campagnarde a largement développé : il sait remarquer le détail caractéristique (ou savoureux), l'éclair de lumière, le cri assourdi. Ensuite, il a hérité de ses ancêtres paysans l'art du conteur : il sait faire vivre des personnages, animer un récit, nourrir un dialogue rapide et musclé. Enfin, il a le goût des contrastes, ce qui lui permet de peindre le pays franc-comtois dans toute sa diversité.

En vérité, c'est cette diversité qui frappe, au premier regard, le lecteur le moins prévenu de cette œuvre si brève. Dans les deux premiers recueils, De Goupil à Margot[...]

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