ROBERT LOUIS (1904-1985)
Né le 15 février 1904 à Laurière (Haute-Vienne), mort à Paris le 31 mai 1985, Louis Robert fut un des plus grands hellénistes du xxe siècle. Dès la fin de ses études secondaires, sa passion pour la Grèce se trouva avivée par la lecture des « voyageurs » des xvie-xixe siècles. Très vite remarqué par Maurice Holleaux, ancien directeur de l'École française d'Athènes et professeur au Collège de France, il entre à l'École normale supérieure en 1924. Avant même d'être admis, en 1927, à l'École française d'Athènes, il donne ses premiers articles concernant des inscriptions grecques. Il apparaît bientôt que les grands épigraphistes français, tels Jean-Antoine Letronne, Paul Foucart et Maurice Holleaux, ont trouvé un successeur et Adolf Wilhelm, le savant autrichien qui règne alors sur les études d'épigraphie grecque, un jeune émule.
Durant les années qu'il passe en Grèce, Louis Robert ne fouille pas mais parcourt le pays et la Turquie voisine. En 1931, il entre à l'École pratique des hautes études, où il formera jusqu'en 1974 deux générations d'épigraphistes aussi bien étrangers que français, car son renom fut très vite international. Professeur au Collège de France en 1939, il entra à l'Institut dès 1948 et fut ensuite élu membre de nombreuses académies étrangères. Avec la collaboration de son épouse, Jeanne Robert, il publia chaque année, de 1938 à 1984, dans la Revue des études grecques, un copieux « Bulletin épigraphique » où étaient signalées, commentées et souvent corrigées presque toutes les publications d'inscriptions grecques. Aux divers livres qu'il a consacrés aux cités grecques de l'Asie Mineure (Villes d’Asie Mineure, 1935 ; Études anatoliennes, 1937 ; À travers l’Asie Mineure. Poètes et prosateurs, monnaies grecques, voyageurs et géographie, 1980), il faut adjoindre les treize fascicules de ses Hellenica(1940-1965) et d'innombrables articles repris dans ses Opera minora selecta(1969-1990). Au moment où la maladie interrompit cette activité prodigieuse, il préparait la publication des inscriptions du sanctuaire d'Apollon à Claros (Turquie), dont il avait dirigé la fouille avec Pierre Devambez et Roland Martin.
Cette puissance de travail permit à Louis Robert non seulement de maîtriser presque tout le champ de l'épigraphie grecque, mais de pousser des reconnaissances fréquentes et fructueuses dans des domaines voisins comme la papyrologie, la numismatique ou la patristique. Il ne cessa de s'élever contre la spécialisation croissante des études antiques. C'était aussi un géographe, doué d'un sens du réel peu commun chez les intellectuels français. Attentif depuis toujours à cette « part du milieu » dont l'école historique des Annales a mis en valeur l'importance, il s'étonnait que l'on considérât comme une nouveauté révolutionnaire une histoire totale ou « non événementielle », lui qui, toujours soucieux d'établir ou de rétablir la réalité antique, liait indissolublement la géographie physique et humaine à l'étude des textes. Louis Robert n'interprétait pas le réel, il ne lui extorquait aucun sens ; il le produisait en toute rigueur. C'est pourquoi son œuvre foisonne d'effets de réalité saisissants : d'innombrables bribes d'un monde qui nous reste malgré tout obscur sur bien des points s'y trouvent tout à coup éclairées et comme révélées.
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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