TRONSON LOUIS (1622-1700)
Né dans une famille parlementaire, prêtre en 1647, Louis Tronson entra dans la Compagnie de Saint-Sulpice, congrégation fondée par Jean-Jacques Olier, pour administrer la paroisse parisienne de ce nom et former les cadres du clergé dans les établissements créés selon les directives du concile de Trente : les séminaires. Sa vie est tout entière consacrée à l'éducation cléricale. Il assume la charge de supérieur général de sa congrégation de 1676 à sa mort. L'histoire retient son nom parce qu'il fut le directeur de conscience du jeune abbé Fénelon. En 1694-1695, il fit partie avec Noailles et Bossuet de la commission chargée, au cours des « entretiens d'Issy », d'examiner la doctrine de Mme Guyon. Ses interventions, dans le conflit qui opposa l'évêque de Meaux et Fénelon et qui aboutit à la condamnation des Maximes des saints, restèrent discrètes mais elles s'exercèrent dans le sens de la conciliation.
En fait, Tronson joua surtout un rôle historique essentiel en organisant et institutionnalisant les méthodes de formation spirituelle et la pédagogie cléricale de Saint-Sulpice, c'est-à-dire d'une bonne partie des séminaires français (et de maisons analogues au Canada et aux États-Unis). Nous trouvons les principes de cet enseignement dans les homélies et les méditations qui furent publiées au début du xixe siècle (Manuel du séminariste, Entretiens et méditations ecclésiastiques) et surtout dans les fameux Examens particuliers (1re éd. 1690 ; il s'agit d'une forme de l'examen de conscience qui fait porter l'attention sur un défaut précis ou une vertu déterminée). Il se fonde sur une spiritualité sacerdotale conçue essentiellement comme une identification au « Souverain Prêtre ». Mais, dans le détail concret, le Christ proposé ainsi en modèle ressemble étonnamment à l'image, très marquée par le contexte historique, que se faisait du « saint prêtre » l'époque de la réforme catholique. Vivant son sacerdoce comme un « caractère », un « état », plus que comme une mission apostolique, avant tout homme du culte, « religieux de Dieu », celui-ci se veut « séparé » du monde, et en constante défiance contre ses périls, la femme en particulier ; sa vertu propre est la modestie, c'est-à-dire la décence, la retenue, un contrôle de soi qui, réprimant la spontanéité, évite tous les extrêmes et vise à édifier les fidèles. Cette image du prêtre classique, récusée aujourd'hui en son principe, a marqué profondément le clergé français, du xviie siècle jusqu'à l'évolution récente.
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Écrit par
- Émile GOICHOT : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université des sciences humaines de Strasbourg
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