Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LOULOU, film de Georg Wilhelm Pabst

Loulou (Die Büchse der Pandora) passe dans l'histoire « classique » des styles cinématographiques pour illustrer le courant allemand de la Nouvelle Objectivité (« Neue Sächlichkeit »). Venu du théâtre, son réalisateur G. W. Pabst se caractérise par une conception « engagée » de son art, liant autant que faire se peut la recrudescence des crimes et de la dépravation à la violence sociale qui s'exerce sur les plus démunis dans l'Allemagne des années 1920. Ce thème figure déjà dans La Rue sans joie (Die Freudlose Gasse, 1925), avec Greta Garbo, et se retrouve plus clairement encore exposé dans le Journal d'une fille perdue (Trois pages d'un journal/Das Tagebuch eine Verlorenen, 1929), où Pabst dirige à nouveau Louise Brooks. Ingmar Bergman le reprendra un demi-siècle plus tard dans L'Œuf du serpent (The Serpent's Egg, 1979), qui dresse un portrait du Berlin des années 1920 et tisse les mêmes liens en montrant qu'ils font le lit de la « bête » nazie. Mais Loulou n'a pas autant de netteté politique. On nous dit bien que l'héroïne est devenue ce qu'elle est, dangereuse et sans scrupules, « parce qu'elle a passé son enfance à traîner dans les cafés », mais, dans cette adaptation au demeurant assez libre de la pièce de Wedekind, le portrait de femme prend le pas sur la satire sociale.

D'un protecteur à l'autre

Loulou séduit tous les hommes qui l'approchent, et même les femmes à l'occasion. Elle passe avec fantaisie d'un « protecteur » à l'autre – qu'elle appelle aussi ses « mécènes » ou ses « pères » – jusqu'à ce qu'elle épouse un riche magnat de la presse, le Dr Schön. La nuit de noces se passe fort mal : après avoir effrontément flirté avec nombre d'invité(e)s et convié au festin son « premier mécène », un vieillard libidineux répondant au nom de Schigolz, Loulou jette son dévolu sur le propre fils de Schön, Alwa. C'en est trop pour le docteur, qui demande à sa jeune femme de se suicider afin de lui épargner le déshonneur de devoir la tuer... Au cours de l'empoignade qui suit, l'arme se retourne contre lui.

Loulou est condamnée à cinq ans de prison, mais le jour du verdict Schigolz organise une évasion. Alwa accompagne alors la fugitive dans une longue cavale en forme de descente aux enfers, de bouges en bars à entraîneuses, jusqu'à ce qu'un émule de Jack l'Éventreur la poignarde une nuit dans les brouillards de Londres... Le film, construit en huit actes, est sorti dans différentes versions : en France, Alwa n'était pas le fils de Schön mais son secrétaire (ce qui ajoutait une connotation homosexuelle à certains plans) ; aux États-Unis Loulou s'engageait à la fin dans l'Armée du Salut...

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Autres références

  • BROOKS LOUISE (1906-1985)

    • Écrit par
    • 1 342 mots
    • 1 média
    ...conflit avec le studio, elle a en effet accepté une proposition de G. W. Pabst, qui l'avait remarquée dans le film de Hawks, et à l'automne elle tourne Loulou (Die Büchse der Pandora) dans un modeste studio berlinois. Cette Boîte de Pandore est une adaptation d'une œuvre théâtrale de Frank Wedekind...
  • PABST GEORG WILHELM (1885-1967)

    • Écrit par
    • 2 038 mots
    • 2 médias
    Les contraintes d'une société hyprocrite, l'asservissement des classes, les exigences refoulées du sexe : les deux tendances sociale et freudienne de Pabst se rejoignent, se compénètrent pour éclater dans un chef-d'œuvre, Loulou(Die Büchse der Pandora, 1928), indissolublement...