BAUGIN LUBIN (vers 1610-1663)
Ce peintre français, fort recherché de son temps, émerge peu à peu de l'oubli dans lequel il était tombé, surtout grâce aux travaux de Jacques Thuillier. Cette méconnaissance est due en partie à la rareté des données (documents, signatures, dates, dessins préparatoires) et en partie à la critique, qui s'exerça contre lui dès le dernier tiers du xviie siècle pour privilégier les compositions plus élaborées et structurées de ses contemporains. En effet Lubin Baugin, s'il s'inscrit, à partir d'une orientation maniériste, dans le courant d'« atticisme parisien » illustré par Laurent de La Hyre et Eustache Le Sueur, donna la préférence à une peinture intimiste et poétique, souvent de petit format, avec un nombre restreint de personnages noyés dans leurs pensées et peu caractérisés – l'expression du tableau résidant souvent dans l'harmonie des arabesques, la simplicité des volumes arrondis presque sans poids, la clarté des couleurs (bleus et roses fanés, jaune variant de l'ocre à l'orange) traitées d'une touche lisse. La difficile conciliation entre ce refus du détail descriptif dans les tableaux religieux (notons que les fonds de paysage sont eux-mêmes très schématiques) et la précision des natures mortes, toutes signées, qui assurèrent la redécouverte de Baugin au xxe siècle, a longtemps fait croire à deux artistes différents. L'étude des signatures semble avoir eu raison de ce problème, qui pourrait être lié à des césures dans la vie du peintre.
On ignore tout de la formation de Baugin mais, né près de Pithiviers vers 1610, il a sûrement connu les décors du château de Fontainebleau. Comme il fut reçu en 1629 maître peintre dans la corporation de Saint-Germain-des-Prés, faubourg de Paris où travaillaient de nombreux Flamands, les natures mortes se situeraient à cette époque. On en connaît actuellement quatre : Nature morte à la coupe d'abricots (musée de Rennes), au bougeoir (datée 1630, Galleria Spada, Rome), Nature morte à l'échiquier et Le Dessert de gaufrettes (Louvre) ; toutes séduisent par la rigueur de leur construction et un sens délicat de la matière.
Suit un séjour probablement assez long de Baugin en Italie, entre 1632 et 1640, attesté par la désignation de sa femme comme « romaine » et la naissance ultramontaine de deux enfants, ainsi que par des copies de fresques de Corrège à Parme. Parme où Baugin put être conquis par l'ingénuité de Bartolomeo Schedoni et le fut en tout cas durablement par le maniérisme de Parmesan, dont il imitera les lignes fluides, les personnages élancés aux extrémités incroyablement fines, renouant sans doute ainsi avec des impressions bellifontaines de prime jeunesse. Mais Rome fut sûrement son port d'attache et c'est à Raphaël qu'il doit l'orientation essentielle de sa peinture religieuse. Aussi a-t-on daté des premières années suivant son retour à Paris – où il est signalé à la fin de 1640 – la plupart des Vierges à l'Enfant (Vierge à l'Enfant debout, plusieurs exemplaires, coll. part.) et des Sainte Famille (National Gallery, Londres ; musée Magnin, Dijon ; Louvre) de très petites dimensions : la lumière limpide, le purisme des formes, certains types de visage et même quelques éléments de végétation graciles évoquent le grand maître.
Reçu en 1643 dans la corporation parisienne des peintres et sculpteurs, en attendant d'être élu en 1651 à l'Académie royale de peinture et de sculpture, Baugin entreprend des œuvres d'une tout autre échelle : le décor de la chapelle de la « Congrégation des nobles » (dans le bâtiment de la maison professe des Jésuites rue Saint-Antoine, quartier où l'artiste vit désormais), documenté entre 1647 et 1649 et dont les quatre panneaux subsistant, en particulier la Nativité de la Vierge et la Présentation[...]
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Écrit par
- Claude LAURIOL : historienne d'art
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Autres références
-
NATURE MORTE
- Écrit par Robert FOHR
- 5 700 mots
- 10 médias
...protestante (beaucoup de peintres de natures mortes appartiennent à la religion réformée) ou janséniste atteint son point d'équilibre et de perfection chez Lubin Baugin, dans les années 1630, de même que chez l'Alsacien S. Stoskopff (Corbeille de verres et pâté, musée de Strasbourg). La description...