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BOLTANSKI LUC (1940- )

Luc Boltanski est un sociologue français, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), dont l’œuvre scientifique a marqué les sciences sociales au cours des décennies 1990 à 2010. De fait, son itinéraire reflète, d’une certaine manière, le changement de paradigme et les courants de la sociologie française contemporaine. Pour saisir toute sa cohérence, il convient de rappeler brièvement la trajectoire intellectuelle de l’auteur pour ensuite montrer les apports et l’originalité de son œuvre.

Un engagement sociologique

Né le 4 janvier 1940 à Paris d’un père juif d’origine russe et d’une mère corse et chrétienne, Luc Boltanski est le frère du linguiste Jean-Élie Boltanski, duquel il a repris des éléments de la grammaire générative de Noam Chomsky, et du plasticien Christian Boltanski, connu pour ses sculptures, ses photographies et ses œuvres cinématographiques.

Passionné de littérature, Boltanski voulait, à ses débuts, entreprendre des études littéraires. D’ailleurs, il n’a pas failli à cette vocation et, parallèlement à son travail de sociologue, il a publié des ouvrages de poésie (Poème, 1993 ; À l’instant, 2003 ; 61 adresses, 9 destinataires, 2012) et des pièces de théâtre (Nuits : théâtre, 2008 ; Déluge, 2009). Mais attiré par les sciences sociales, en vogue au début des années 1960, il opta finalement pour la sociologie. Il entreprit alors des études à la Sorbonne, où il acheva une thèse de troisième cycle, sous la direction de Raymond Aron, qui fut publiée en 1968 sous le titre Prime éducation et morale de classe. De fait, c’est Pierre Bourdieu qui supervisa son travail et l’accueillit en tant qu’assistant dans son équipe au Centre de sociologie européenne. Une amitié se noua entre les deux hommes, favorisant une longue et fructueuse collaboration scientifique. Il participa à la création de la revue Actes de la recherche en sciences sociales et signa avec Bourdieu l’un des premiers articles de cette revue. Ce fut incontestablement une expérience riche et fructueuse qui permit à Boltanski de déployer son talent de sociologue inventif, créatif, mais aussi rebelle – « anarcho-gauchiste », dira-t-il plus tard. En effet, cherchant souvent à prendre pour objet des sujets insolites (puériculture, bande dessinée, photographie, vulgarisation scientifique, pratiques corporelles, taxinomies populaires, etc.), ses investigations allaient à contre-courant des préoccupations sociologiques dominantes. Jusqu’au milieu des années 1970, les présupposés théoriques de ses travaux s’inscrivaient dans le sillage de la sociologie critique de Bourdieu. À partir de cette période, il prit progressivement ses distances par rapport à la sociologie bourdieusienne, se désengagea de la revue et commença sa grande enquête sur Les Cadres, qui a donné lieu à sa thèse de doctorat d’État soutenue en 1981 sous la direction de Pierre Ansart. C’est aussi au cours de cette période qu’il rencontra Alain Desrosières et Laurent Thévenot qui ont joué, avec Bruno Latour, un rôle décisif dans le changement de posture théorique qui aboutira dans les années 1980 à l’élaboration d’un nouveau modèle d’analyse. Celui-ci a été conçu et expérimenté au sein du Groupe de sociologie morale et politique (GSPM) que Boltanski fonda avec Laurent Thévenot en 1985 et dont il assurera la direction jusqu’en 1992.

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Écrit par

  • : professeur de sociologie à l'université de Liège (Belgique)

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