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BONDY LUC (1948-2015)

Né à Zurich le 17 juillet 1948, Luc Bondy a partagé son activité de metteur en scène de théâtre et d'opéra entre l'Allemagne, la France et la Belgique. Parfaitement bilingue, il aura incarné un certain cosmopolitisme européen, particulièrement sensible dans le répertoire, tant classique que contemporain.

<em>La Mer </em>d'E. Bond, mise en scène de Luc Bondy - crédits : kpa/ United Archives/ Getty Images

La Mer d'E. Bond, mise en scène de Luc Bondy

Fils du journaliste et écrivain François Bondy (1915-2003), élève de l'école de Jacques Lecoq à Paris, étudiant à l'Université internationale de théâtre, il s'installe à Hambourg en 1969 et débute comme assistant au Thalia Theater. Éclectique dès ses premières mises en scène, il monte aussi bien Witkiewicz (Le Fou et la Nonne en 1971, à Göttingen) que Shakespeare (Comme il vous plaira, 1973), Fassbinder (Liberté à Brême, 1972), Genet (Les Bonnes, 1971), Ionesco (Les Chaises, 1972) ou Bond (La Mer, 1973), ce dernier spectacle lui valant un succès considérable.

<it>Le Retour</it> de Harold Pinter, mise en scène de Luc Bondy - crédits : R. Waltz/ Theâtre de l'Odéon

Le Retour de Harold Pinter, mise en scène de Luc Bondy

Luc Bondy rejoint de 1973 à 1975 la direction de la Städtische Bühne de Francfort, où il fait donner un Triomphe de l'amour de Marivaux remarqué. Peter Stein, qui dirige alors la Schaubühne de Berlin, s'intéresse à cette « sorte d'oiseau de paradis du théâtre allemand avec des plumes aux couleurs françaises ». Bondy rejoint la Schaübuhne en 1976, pour y mettre en scène La Wupperd'Else Lasker-Schüler, mais aussi On ne badine pas avec l'amour, de Musset, l'année suivante. Suivront notamment Yvonne, princesse de Bourgogne de Gombrowicz et Oh les beaux jours de Beckett, à Cologne en 1981. Luc Bondy ne revient à la Schaubühne qu'en 1982 pour Kalldewey, Farce de Botho Strauss, son contemporain de prédilection, avant de pendre la direction de la fameuse institution berlinoise de 1985 à 1987. Après avoir dirigé les Wiener Festwochen, il est nommé à la tête de l'Odéon-Théâtre de l'Europe en 2012.

<em>Sweet Nothings</em>, mise en scène de Luc Bondy - crédits : robbie jack/ Corbis/ Corbis Entertainment/ Getty Images

Sweet Nothings, mise en scène de Luc Bondy

C'est un trait propre à Luc Bondy que d'éprouver ce que Peter Stein nomme la « résistivité » de la matière théâtrale. Pour sa première mise en scène française, en 1984, au Théâtre des Amandiers à Nanterre, il choisit Terre étrangère du Viennois Arthur Schnitzler, qu'il va contribuer à faire connaître. Le non-dit, le scandale muet de l'adultère résonnent selon lui davantage en France qu'en Allemagne, où la liberté des mœurs a perdu de son pouvoir de choquer.

Guettant le geste juste, ralentissant l'échange interhumain pour en extraire l'intensité, attentif aux lapsus, aux hésitations, Luc Bondy œuvre dans la sphère de l'intime. Mais sa quête de l'intériorité s'inscrit volontiers dans les vastes espaces qu'aménagent pour lui Erich Wonder ou Richard Peduzzi, et sa direction d'acteurs exclut l'intimisme. Si ses études psychologiques paraissent d'une si grande précision (Le Chemin solitaire de Schnitzler, en 1989, placé sous le signe de Freud ; John Gabriel Borkmand'Ibsen, à l'Odéon, en 1993 ; Anatol, à nouveau de Schnitzler, en 2002), c'est qu'il s'attache moins aux motivations du personnage qu'à la manière dont l'inconscient travaille les corps et les attitudes. Refusant l'excès de théâtralité, le culte de l'illusion, mais aussi le naturel, ses affinités vont à des comédiens comme Michel Piccoli ou Bulle Ogier lorsqu'il met en scène Schnitzler, Ibsen, Shakespeare (Le Conte d'hiver, 1988), Strindberg (Jouer avec le feu, 1996). De même, il place Bruno Ganz au centre du dispositif qui régit Le Retour de Harold Pinter (2012), ou demande à Isabelle Huppert de jouer le rôle d’Araminte dans Les Fausses confidences, de Marivaux (2014).

Luc Bondy se tient à l'écart du théâtre politique, du brechtisme et de toute pédagogie. Le profond scepticisme de Botho Strauss, dont les montages, les emprunts aux formes et aux langages de toute sorte finissent par occulter toute pensée positive, s'accorde[...]

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

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Médias

<em>La Mer </em>d'E. Bond, mise en scène de Luc Bondy - crédits : kpa/ United Archives/ Getty Images

La Mer d'E. Bond, mise en scène de Luc Bondy

<it>Le Retour</it> de Harold Pinter, mise en scène de Luc Bondy - crédits : R. Waltz/ Theâtre de l'Odéon

Le Retour de Harold Pinter, mise en scène de Luc Bondy

<em>Sweet Nothings</em>, mise en scène de Luc Bondy - crédits : robbie jack/ Corbis/ Corbis Entertainment/ Getty Images

Sweet Nothings, mise en scène de Luc Bondy

Autres références

  • LE RETOUR (mise en scène L. Bondy)

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    • 924 mots
    • 1 média

    Un auteur qui « ramène le théâtre à sa base élémentaire, la pièce close et le dialogue imprévisible, où les êtres sont livrés les uns aux autres, et où le déguisement se brise. Avec un minimum d’intrigue, le drame surgit de la lutte et du cache-cache dans la confrontation verbale…». ...

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  • BOESMANS PHILIPPE (1936-2022)

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    ...et d'une orchestration singulières de L'Incoronazione di Poppea de Monteverdi, créée à La Monnaie le 16 mai 1989, dans une mise en scène de Luc Bondy, l'opéra n'est pas mort, ni les contraintes dramatiques qui lui sont liées, ni le lyrisme vocal qui lui est consubstantiel, ni les personnages...
  • PEDUZZI RICHARD (1943- )

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