Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LUC DE PRAGUE, tchèque LUKÁŠ PRAŽSKY (1458-1528)

Article modifié le

Personnalité marquante de la deuxième génération de l'Unité des frères (Unitas fratrum) tchèques, constituée en 1467. L'action de Luc de Prague comme membre du Conseil étroit et comme évêque, ses écrits théologiques, pastoraux, liturgiques ont contribué à donner à l'Unité des frères une structure ferme, à la préserver face à l'hostilité, par moments violente, des catholiques et des utraquistes, et à maintenir son originalité par rapport aux mouvements de réforme des Églises d'Europe occidentale.

Né dans une famille qui adhérait à l'Église utraquiste, Luc fait partie d'un cercle d'étudiants et d'enseignants de l'université de Prague (avec M. Gallus, Adalbert, et son propre frère Johann Černy), avec lesquels il entendit les prédications de Michel le Polonais et lut les écrits de P. Chelčicky. Bachelier en 1481, il visita la communauté de Litomysl, puis, sous l'impulsion de ces lectures et contacts, il rejoignit les Frères. Son influence parmi eux sera désormais sans cesse croissante. En mars 1491, Luc entreprend, avec d'autres Frères, un voyage de vingt mois auprès des Églises orientales, « voyage qui est la simple conséquence de la doctrine ecclésiologique des Frères et de leur conviction du caractère communautaire et collectif de toute connaissance chrétienne » (A. Molnár, Bratr Lukáš, Jednota Bratrská, 1951). Luc en est déçu et, à son retour, il trouve l'Unité menacée par des dissensions : au synode de Brandys (1490), des positions moyennes avaient été adoptées sur des questions telles que la participation au magistrat, le port des armes, la communauté des biens. Après le synode de Rychnov (1494) et à la suite de la tentative de conciliation de Chlumec (1496), la scission se prépare, qui conduit, en 1500, à la naissance des communautés radicales « amosites ».

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

C'est dans ce contexte que Luc rédige ses premiers ouvrages théologiques. La Barque (1493), où il définit les fondements de la foi des Frères, livre les contours de sa pensée théologique : biblicisme, dans la tradition de Wyclif et de Hus ; esprit de système ; principe fondamental de distinction entre ce qui est « essentiel » et ce qui est « ministériel » en matière de salut (qu'il s'agisse de thèmes théologiques ou d'institutions) ; importance de la réflexion sur l'Église ; interdépendance des affirmations de la foi. À l'occasion de la rencontre de Chlumec, Luc rédige le traité Des causes de la séparation. En 1498, il se rend en Italie : à Rome, à Florence (où il est témoin de la mort de Savonarole) ; ce voyage est vraisemblablement pour lui l'occasion d'une rencontre avec les Vaudois. En 1500, à la mort du frère Matthieu, le Conseil étroit est renouvelé et quatre évêques sont élus, dont Luc. Celui-ci multiplie alors ses interventions pour consolider l'Unité. Il compose des recueils liturgiques et des catéchismes (en 1501, les soixante-quinze Questions pour les enfants et les deux cent quatre-vingts Interrogations majeures), puis il commente l'Apocalypse, diverses péricopes du IVe Évangile, les Psaumes.

Après la mort de Matthias Corvin et sous le règne de Vladislav II (1500-1516), les Frères connaissent l'hostilité du roi, avivée par les critiques et attaques des humanistes catholiques et des utraquistes. Une longue période d'insécurité s'ensuit, marquée par des procès contre les Frères à Prague (en 1504 et 1509), par l'édit de la Saint-Jacques (1508), par des poursuites. Luc multiplie interventions, lettres pastorales et apologies (De l'angoisse, 1510 ; Apologie de la Sainte Écriture, 1511). Au moment où survient un léger répit, l'Unité, bien que les communautés aient subsisté, ne compte plus que deux évêques, dont Luc, en Bohême. Il édite un Nouveau Testament, des postilles, des traités (Le Fondement de la foi, De la vérité et de la certitude du salut divin, Le Renouvellement de la Sainte Église).

Sous le règne de Louis, puis après la défaite de Mohacs (1526), sous celui de Ferdinand Ier, la situation se fait plus paisible. Malgré une résurgence du conflit avec les « amosites » conduits alors par Johann Kalenec (Luc rédige, en 1522, un ouvrage sur l'Origine des Frères de Bohême), les problèmes des relations avec les réformes plus occidentales deviennent prépondérantes. Les premiers contacts avec Érasme sont sans lendemain. Luther, à Leipzig (1519), révise le jugement, négatif, qu'il a d'abord porté sur les Frères. À partir de 1522 ou 1523, il les connaît mieux, comme on peut le voir en comparant les écrits de Paul Speratus, les réponses de Luther, son ouvrage De l'adoration du sacrement et les réponses de Luc. Au cours de cette polémique fraternelle, Luc, qui conserve les sept sacrements, développe une conception de la cène qui est jugée trop symboliste par Luther, mais il critique l'insistance trop exclusive des luthériens sur la foi, à propos de la justification.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

À partir de 1525, la confrontation peut se faire avec la théologie zwinglienne et la réforme de ce type, que J. Dubčansky tente d'institutionnaliser à Lileć. Enfin, la protection de Leonard de Lichtenstein permet à B. Hubmaier d'établir une communauté à Nikolsburg ; c'est là l'occasion que, à la faveur de l'arrivée de réfugiés en Moravie, saisit Luc pour définir l'originalité des Frères par rapport aux anabaptistes. Lorsque celui-ci meurt, l'Unité a, à travers des difficultés et grâce à une première ouverture sur l'extérieur, conservé et précisé cette originalité.

— Bernard ROUSSEL

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à la faculté protestante de théologie de Strasbourg

Classification

Autres références

  • MORAVES FRÈRES

    • Écrit par
    • 1 365 mots
    ...l'utraquisme après la mort de Rokycana (1471). L'adhésion de nombreux bourgeois et d'une partie de la noblesse lui impose une certaine ouverture au monde. Grâce à Luc de Prague, qui est son principal théologien, le synode de Chlumec (1496) admet le serment, le négoce et l'exercice des fonctions publiques ; il tolère...