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VAUVENARGUES LUC DE CLAPIERS marquis de (1715-1747)

Il n'est pas surprenant qu'au siècle des Lumières le nom d'un moraliste fût condamné à demeurer dans l'ombre ; peut-être faut-il moins incriminer de cette disgrâce l'œuvre brève et dense de Vauvenargues que la note trop grave qu'elle semblait rendre dans le concert des « philosophes » de ce siècle réputé frivole – vraie dissonance aux oreilles de certains critiques, qui encore aujourd'hui apparentent ce jeune aristocrate provençal aux moralistes sévères du xviie siècle, ou bien à ces héros fougueusement ambitieux, émules de Stendhal ou de Nietzsche, plutôt qu'à ses contemporains, dont il a pourtant partagé, plus qu'on ne le croit, les convictions, les enthousiasmes et les aspirations.

L'homme et l'œuvre

Fils aîné d'un magistrat récemment anobli, le jeune Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, vécut sans joie jusqu'à vingt ans à Aix-en-Provence ou à Vauvenargues, dans l'austère château paternel. De santé très délicate, il entra pourtant au service du roi, pour faire une carrière militaire : elle ne lui réserva que déceptions et souffrances ; écœuré et malade, il démissionna en 1744 pour se faire homme de lettres, à Paris, où il vécut pauvrement, en rupture avec les siens, mais chéri de Voltaire et de Marmontel ; il y mourut désespéré et seul à l'âge de trente-deux ans.

De tout ce que furent pour lui les expériences vitales décisives – traumatismes de l'enfance, angoisses de l'amitié et de l'amour, désillusions de la vie de soldat, dégoûts du métier d'écrivain –, et surtout les humiliations de la fortune – laideur, maladie, pauvreté et menaces de la mort –, on ne peut savoir que ce qu'il laisse à deviner ; il ne s'exprime jamais que sous la forme la plus rigoureusement pudique.

Le seul livre publié par ses soins parut, sans nom d'auteur, en 1746 : déconcertant et disparate (il contenait une Introduction à la connaissance de l'esprit humain suivie de Réflexions sur divers sujets et de Maximes, destinées à « allonger »), cet ouvrage ne paraît avoir suscité d'enthousiasme que celui de Voltaire.

Vauvenargues travaillait à une réédition, améliorée et étoffée, à l'instigation du censeur Voltaire, lorsqu'il mourut l'année suivante. L'édition posthume de 1747 passa presque inaperçue. La première édition complète, due à D.-L. Gilbert, date de 1857 ; elle rassemble en deux volumes tous les écrits connus de la main de Vauvenargues, y compris la Correspondance et des Fragments dont il avait pu consulter les manuscrits, conservés au Louvre, avant l'incendie de 1871.

Rien de tout cela ne permet pourtant de résoudre le mystère des contradictions internes : il s'agit évidemment d'une œuvre de jeunesse, témoignant d'une pensée ardente et forte, mais qui n'eut pas le loisir d'atteindre l'équilibre de la maturité.

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Écrit par

  • : maître assistant à l'U.E.R. de lettres et sciences humaines de Reims

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