HOFFMANN LUC (1923-2016)
Ornithologue de formation, le Suisse Luc Hoffmann a consacré sa vie et sa fortune à la défense de l’environnement. Figure incontournable de la Camargue, sa terre d’adoption à la préservation de laquelle il a contribué, il y a créé un centre de recherches sur les zones humides de réputation internationale.
Une passion pour la nature
Petit-fils de Fritz Hoffmann-La Roche, le fondateur de l’entreprise pharmaceutique Hoffmann-La Roche (aujourd’hui Roche), l’une des plus grandes du monde, Luc Hoffmann – de son vrai nom Hans Lukas Hoffmann – est né le 23 janvier 1923 à Bâle (Suisse). Il aurait pu avoir une vie toute tracée en devenant un de ces grands capitaines d’industrie. C’est ce que souhaitait son beau-père : qu’il intègre Roche après avoir entrepris des études de chimie ou de médecine. Luc Hoffmann s’inscrit d’ailleurs en 1940 pendant deux ans au département de chimie de l’université de Bâle mais, dès qu’il peut être maître de ses décisions, il se tourne vers la biologie. Dès sa tendre enfance passée à Bruxelles (son père assurant la direction de la succursale Hoffmann-La Roche Belgique-Pays-Bas), Luc Hoffmann a un précepteur qui l’amène presque chaque jour en forêt. Après la mort accidentelle de son père en 1932, puis celle de son frère emporté par une leucémie, sa mère se remarie avec Paul Sacher, chef d’orchestre de grand renom, et s’installe dans la villa Schönenberg située à une dizaine de kilomètres de Bâle. C’est pendant cette période qu’il poursuit sa quête de savoirs naturalistes. Il prend contact avec des étudiants plus âgés, ornithologues convaincus avec lesquels il fait des sorties, d’abord autour de Bâle, puis en Alsace (où s’exprime son affinité pour l’eau douce et les marais), ainsi que dans de nombreuses autres régions comme en Bretagne où ils sont les premiers en 1939 à découvrir la nidification du fou de Bassan aux Sept-Îles. Il commence à publier dès l’âge de dix-sept ans dans une revue ornithologique de Suisse alémanique. En 1946, après trois années de service militaire, il poursuit ses études de biologie. L’une de ses sorties de terrain le conduit en Camargue. C’est le coup de foudre.
Le 4 août 1948, Luc Hoffmann achète le domaine de la Tour du Valat, mas doté de mille deux cent cinquante hectares de terres et marais situés dans l’est de la Camargue. Très vite, il a l’idée d’y créer une station biologique. Dès 1950, il recrute un ornithologue à plein temps, chargé de se consacrer à l’étude et au baguage des oiseaux. Après avoir passé sa thèse de doctorat en 1952 (publiée dans la Revue suisse de zoologie), Luc Hoffmann vient s’installer de manière permanente à la Tour du Valat. La station biologique est inaugurée officiellement en 1954, en présence du zoologue Pierre-Paul Grassé (1895-1985) et du médecin et écologue François Bourlière (1913-1993). Ce dernier, dont la bibliothèque de la station porte désormais le nom, intervient pour que s’y développe une recherche de qualité qui, au-delà de l’ornithologie, s’ouvre à l’écologie. La Tour du Valat attire ainsi de jeunes chercheurs du CNRS, d’universités françaises ou d’organismes étrangers. Luc Hoffmann recrute certes des ornithologues mais aussi, dès 1953 et en accord avec le CNRS, des chercheurs dans d’autres domaines. Le message est clair : pour Luc Hoffmann, une place importante sera toujours réservée aux oiseaux, mais les protéger nécessite aussi de connaître leurs lieux de vie, en particulier les zones humides, ce qui nécessite des recherches interdisciplinaires. En 2014, lorsque la Tour du Valat fête ses soixante ans, elle prend le nom d’Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes.
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Écrit par
- Jean JALBERT : directeur général de la fondation Tour du Valat
- Jean Claude LEFEUVRE : professeur émérite au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
Classification
Média