MONTAGNIER LUC (1932-2022)
L'attribution au professeur Luc Montagnier du prix Nobel de physiologie ou médecine 2008 – qu'il partage avec Françoise Barré-Sinoussi, pour leurs travaux sur l'identification du virus de l'immunodéficience humaine (VIH, en anglais HIV) responsable du sida, et avec l'Allemand Harald zur Hausen qui a montré le lien entre certains papillomavirus humains et le cancer du col de l'utérus – a consacré un parcours professionnel à la fois riche et quelque peu atypique au sein de la communauté médicale et scientifique française. Et même après avoir acquis une renommée internationale pour sa découverte du virus du sida en 1983, ce chercheur à la personnalité complexe est demeuré assez mal connu du grand public.
Un médecin passionné de virologie
Luc Montagnier est né à Chabris (Indre) dans un milieu relativement modeste, le 18 août 1932, d'un père comptable d'origine auvergnate et d'une mère originaire du Berry. Avant même d'effectuer ses études secondaires au lycée René-Descartes de Châtellerault (Vienne), il envisage d'embrasser une carrière scientifique après avoir vu son père se passionner, en amateur, pour le bricolage et les moteurs électriques. Les bombardements nucléaires américains sur Hiroshima et Nagasaki, en 1945, le détourneront de la physique atomique et le conduiront, à partir de 1950, à mener de front des études de médecine et de sciences, d'abord à Poitiers puis à Paris.
En 1955, il est nommé assistant à la faculté des sciences de Paris. Cinq ans plus tard, il entre au CNRS puis commence à effectuer des stages au Royaume-Uni dans des laboratoires de virologie réputés. À Carshalton, dans le laboratoire de F. Kingsley Sanders, il découvre, en 1963, le mécanisme de réplication de certains virus à ARN. Huit mois plus tard, à l'Institut de virologie de Glasgow dirigé alors par Michael Stocker, il met en évidence, avec Ian McPherson, une propriété spécifique des cellules cancéreuses : leur capacité de croître en suspension dans un milieu gélifié. Cette méthode reste utilisée pour la croissance clonale de cellules tumorales humaines.
De retour en France, à l'Institut Curie de Paris, Luc Montagnier étudie, avec Philippe Vigier, la réplication et la structure de l'ARN d’un rétrovirus oncogène, celui du sarcome de Rous. En 1972, Jacques Monod, alors directeur de l’Institut Pasteur, l’invite à créer une unité d'oncologie virale dans le nouveau département de virologie de cet institut. Ses recherches vont alors porter en partie sur les interférons, molécules sécrétées notamment par les cellules du système immunitaire afin de défendre l'organisme contre des agents pathogènes. Il constitue alors une équipe travaillant à la fois sur le mécanisme d'action et de purification des interférons et sur celui de la cancérisation par les virus. Il est aussi, à cette époque, l'un des rares chercheurs à s'intéresser à ces mystérieux agents transmissibles non conventionnels que sont les prions, mis au premier plan bien plus tard par l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB ou maladie de la vache folle).
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
- Jean-Yves NAU
: docteur en médecine, journaliste, chroniqueur médical sur le site d'information
Slate.fr
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