SIGNORELLI LUCA (1450 env.-1523)
Vers la grandeur
Après ses travaux à la chapelle Sixtine, Signorelli donne libre cours à ses riches capacités créatrices, dans une succession nourrie de chefs-d'œuvre. Rappelons ici les principaux : le Retable de Saint-Onofrio, au Musée de la cathédrale de Pérouse (1484) ; la Circoncision de la National Gallery de Londres ; le Triomphe de Pan, peint pour Laurent de Médicis (malheureusement détruit à Berlin en 1945) ; le tondo de la Vierge à l'Enfant de la galerie des Offices à Florence (peint aussi pour Laurent de Médicis) ; la Vierge à l'Enfant et les saints ainsi que l'Annonciation (1491), du musée de Volterra ; le Portrait d'un juriste, du musée de Berlin ; les fresques de Monteoliveto (1497) et le tondo de la Sainte Famille, aux Offices. Dans ces années de féconde activité, le séjour de Luca à Florence avant la mort de Laurent de Médicis se révèle particulièrement important. Dans le Triomphe de Pan qu'il exécute à ce moment-là, il propose une interprétation absolument originale de la pensée philosophique qui dominait à la cour des Médicis, du fait surtout de Marsile Ficin. La composition de l'œuvre se rattache aux recherches stylistiques effectuées à Lorette avec la Conversion de saint Paul ; mais elle va bien au-delà et s'impose par son classicisme élevé et sa plénitude, qui en font une œuvre véritablement unique dans la production du peintre et dans tout l'art de la Renaissance.
Cette série de chefs-d'œuvre terminée, Signorelli reçoit commande, en 1499 puis en 1500, de poursuivre la décoration des plafonds de la chapelle de San Brizio à la cathédrale d' Orvieto, commencée par Angelico, et d'effectuer aussi la décoration des murs ; cette dernière ne fut pas terminée avant 1504. Les sujets des fresques sont fournis par les théologiens de la cathédrale : pour les plafonds, les Chœurs célestes, et pour les murs, les scènes de la fin du monde (depuis la Venue de l'Antéchrist jusqu'à la Récompense des élus et le Châtiment des damnés). Un grandiose soubassement, dont la hauteur imposante s'inspirait certainement de celui que Pinturicchio avait peint dans l'appartement Borgia du Vatican, sert de support aux scènes murales. Il est divisé en compartiments, dont la surface est couverte entièrement de grotesques touffus et compliqués entre lesquels s'insèrent, au centre de chaque compartiment, les portraits de poètes et de philosophes de l'Antiquité qui se présentent par des fenêtres en perspective, entourés d'un grand nombre de médaillons représentant divers épisodes du Purgatoire de Dante, de la Pharsale de Lucain et d'autres textes littéraires. Les grotesques venus de l'art romain antique avaient été remis en honneur quelques années auparavant ; Filippino Lippi et Pinturicchio, surtout, avaient beaucoup contribué à leur diffusion ; l'usage qu'on en faisait restait cependant strictement décoratif. Dans le soubassement de la chapelle de San Brizio, au contraire, les « grotesques » expriment, avec l'enchevêtrement tourmenté de leurs formes, une dimension dramatique qui valorise symboliquement les motifs ornementaux et les rend aptes à participer au contenu humain de la totalité du cycle pictural. Ce dernier se déploie, au-dessus du soubassement, avec une majesté et une monumentalité qui, en dépit d'une certaine théâtralité, s'imposent de façon irrécusable. La force explosive des corps emportés dans un mouvement frénétique, les dimensions gigantesques des images, la puissance épique redoutable des expressions, tout cela atteint à un degré suprême de grandeur, en particulier dans les scènes représentant la Fin du monde et le Châtiment des damnés ; dans la Venue de l'Antéchrist, Signorelli a voulu faire allusion à la mort de Savonarole, ce qui rend encore plus aigu le pouvoir[...]
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Écrit par
- Pasquale ROTONDI : consultant auprès des Musées du Vatican pour la restauration des œuvres d'art
Classification
Médias
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