LUCAIN (39-65)
Un merveilleux actuel et vivant
Il se trouve d'abord que, répondant à l'esprit de son temps, il est curieux des sciences en vogue : géographie, astronomie, ethnographie, physiologie, histoire naturelle, et particulièrement de magie, laquelle, dit Pline l'Ancien, « est du petit nombre des choses sur lesquelles il importe de s'étendre, ne serait-ce qu'à ce titre qu'étant le plus trompeur de tous les arts elle a eu par le monde, et en tous temps, le plus grand crédit ». De cette science « noble » et aussi, un peu, de la sorcellerie, Lucain subit l'attrait commun, ce qui nous vaut çà et là, et un peu pêle-mêle, quelques passages bien venus sur les prodiges, l'astrologie – qui était, on ne sait trop pourquoi, assez mal considérée à Rome –, et même sur la nécromancie (voir, par exemple au livre VI, les vers 719-760, un des plus beaux « morceaux » du genre). Dans tout cela Lucain trouve des sources de poésie, qui alimentent dans l'œuvre « un merveilleux actuel et vivant » (Jean Bayet), lequel fait songer à ce merveilleux scientifique, plus ou moins lié à la fiction, qu'ont recréé les formes modernes de l'épopée, littéraires ou cinématographiques.
Il fallait aussi, selon la norme essentielle du genre, installer un héros dans cette aventure : le poète donnera cet emploi, que ne pouvaient décemment remplir ni César ni Pompée, à Caton d'Utique, un Caton fortement idéalisé, représentant de toutes les vertus républicaines, en même temps que de la pensée stoïcienne alors toute-puissante.
Tout cela ne va pas, dans l'expression, sans nombre d'outrances et de boursouflures rhétoriques, sans surcharges d'imagination, qui frôlent souvent le baroque. Par moment, le récit apparaît obscur, fatigant, ennuyeux, mais par contre il atteint parfois au sublime, grâce aux dons de visionnaire que possède le poète, et à sa voix très personnelle, dont on ne saurait nier la chaleur et la portée pathétique.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Barthélemy A. TALADOIRE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
Classification
Autres références
-
BRÉBEUF GEORGES DE (1617-1661)
- Écrit par Bernard CROQUETTE
- 356 mots
Poète français, issu d'une famille de vieille noblesse normande. Pauvre et malade, ombrageux, instable et exalté, Brébeuf est doué d'une sensibilité inquiète, et porté à la mélancolie. Longtemps, en dépit du succès obtenu par la libre traduction qu'il donne de La Pharsale...
-
GAULE
- Écrit par Jean-Paul DEMOULE et Jean-Jacques HATT
- 26 438 mots
- 4 médias
...gauloise. Sur le chaudron de Rynkeby apparaît l'une des plus anciennes représentations que l'on connaisse de la triade gauloise, qui est invoquée par Lucain dans La Pharsale (I, 44) et qui semble être à la base du panthéon gaulois : Esus est représenté avec une belle tête de dieu juvénile et porte au... -
LATINES (LANGUE ET LITTÉRATURE) - La littérature
- Écrit par Pierre GRIMAL
- 8 569 mots
- 2 médias
-
ROME ET EMPIRE ROMAIN - Le Haut-Empire
- Écrit par Yann LE BOHEC et Paul PETIT
- 35 262 mots
- 17 médias
...l'âme, La Brièveté de la vie) et des traités (La Clémence, Les Bienfaits). Un autre Espagnol enfin a illustré un genre littéraire différent : Lucain, dans sa Pharsale, a choisi de raconter en vers la phase de la guerre civile qui a opposé César à Pompée. Pétrone, « l'arbitre des élégances »,...